#2 – Le Fleuret et le Glaive ⚔️
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Nous sommes très heureux de vous retrouver.
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Cela étant, notre ambition est d’aller beaucoup, beaucoup, beaucoup plus loin.
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3, 2, 1 : On est parti 🚀
Ce que vous allez apprendre aujourd’hui :
Nous allons profiter de ce numéro #2 pour retrouver Antoine qui devait nous revenir après avoir réalisé l’étude de faisabilité de son terrain (partie gratuite) et à qui nous avions expliqué quand s’applique la réglementation sur le lotissement et ce que concernaient les notions de permis de construire valant division et de division primaire (partie premium).
Ce nouvel échange sera l’occasion d’aborder ce qu’est une Data Room, la différence entre conditions suspensives et conditions résolutoires et la détermination des droits à construire sur une opération.
Vous ferez ensuite la connaissance de François PICHON, Géomètre-expert, qui vous parlera de son parcours et partagera sa vision de l’immobilier dans le contexte actuel.
Nous achèverons ce premier numéro en vous partageant l’actualité juridique immobilière la plus récente que nous avons spécialement sélectionnée pour vous.
A présent, c’est parti !
Le Fleuret et le Glaive : ⚔️
Temps de lecture estimé : 8 minutes et 2 secondes
Lundi 30 janvier 2023
Nous retrouvons Antoine qui, après quelques nuits assez courtes et plusieurs litres de Maté, vient enfin de mettre un point final à son courrier d’offre et de l’envoyer par email au représentant de la succession.
Il est assez facile de lire sur son visage le sentiment de fierté, d’excitation et l’énergie que cette première étape lui procure. Il se plait déjà à rêver de son futur projet et des ambitions environnementales qu’il souhaite lui voir porter.
Pour être tout à fait francs, ce sentiment de plénitude fait place, assez rapidement, à un certain stress ou, comme dirait l’autre, à un stress certain.
Mais, attendez, nous venons de nous rendre compte que cela fait un mois que nous ne nous sommes pas vus et qu’il vous manque une partie de l’histoire !
Nous vous proposons de prendre la machine à explorer le temps et de revenir quelques jours en arrière.
C’est vrai que cette machine est un peu Kitch mais on y retrouve le charme de l’ancien et la Delorean DMC-12 n’était pas disponible en raison des difficultés actuelles d’approvisionnement de certains produits et composants, consécutives aux événements récents en Ukraine.
Promis, nous allons essayer de ne pas vous envoyer en l’an 802 701 car pour vous, comme pour nous, la rencontre avec les Eloïs et les Morlocks serait assez surprenante.
Lundi 16 janvier 2023 :
[UnMute] : Bonjour Antoine, ravis de te retrouver. Nous sommes contents de voir que le tableau synthétique que nous t’avons communiqué t’a permis d’avancer dans ton projet et d’y voir un peu plus clair sur ses éventuels risques / opportunités.
[Antoine] : Ce travail m’a effectivement permis de prendre connaissance des dispositions d’urbanisme applicables au terrain en me plongeant dans la lecture du règlement du PLU, de vérifier l’accessibilité du site, de supposer que le risque de recours contre le permis de construire est assez relatif du fait du peu de constructions avoisinantes et, finalement, de conforter ma programmation.
[UnMute] : On te l’avait dit, ce travail est essentiel !
[Antoine] : Cependant, je ne dispose d’aucune information sur le terrain proprement dit. Un copain ingénieur m’a dit qu’il fallait s’assurer qu’il n’était pas pollué, ne comportait pas d’ouvrages enterrés, qu’il avait des caractéristiques mécaniques qui lui permette de supporter les bâtiments que je prévois de construire, voire qu’il ne comportait pas de bombes ou engins explosifs qui seraient liés aux combats des derniers grands conflits (il est sérieux ??).
J’avoue que je ne sais pas bien comment gérer ce sujet.
[UnMute] : Si le vendeur du terrain dispose de ces éléments, il devrait te les mettre à disposition par l’intermédiaire de Me LARIEUX. Pour ta culture, dans le cadre de certaines opérations complexes, le Notaire qui assiste le vendeur ouvre ce que l’on appelle une Data Room.
Il s’agit d’un support électronique dans un serveur sécurisé accessible à partir d’internet qui sert à stocker toutes les informations relatives à l’opération, à mettre à disposition ces informations, au même moment à tous les intervenants et à assurer leur confidentialité. Un service de messagerie intégré permet généralement de poser des questions sur les documents consultés. Espace notarial est le service de Data room spécialement conçu pour la profession notariale.
Toutefois, compte tenu de la nature de l’opération sur laquelle tu travailles, il est peu probable que Me LARIEUX ouvre une telle Data Room.
Par ailleurs, le vendeur n’étant pas un professionnel de l’immobilier, il est fort probable qu’il n’ait pas, préalablement à la vente, fait réaliser ces d’études ou diagnostics.
Dans cette situation, il faut que tu intègres dans ton courrier d’offre des conditions suspensives spécifiques, comme tu as certainement prévu de le faire concernant l’obtention de ton permis de construire, de ton financement et de la pré-commercialisation de ton opération.
[Antoine] : Je comprends, c’est clair. J’ai lu quelque part qu’il y avait aussi des conditions résolutoires, c’est la même chose ?
[UnMute] : Non, pas vraiment. Si nous devions prendre une image se rapportant à l’escrime, les conditions suspensives se rapprocheraient du fleuret (une arme légère, flexible, de convention) là où les conditions résolutoires s’apparenteraient plutôt à un glaive (une arme beaucoup plus rustre, que l’on manie avec moins d’agilité et qui anéantie tout sur son passage).
Pour ceux qui seraient plus sensibles à l’univers de la BD ou des blockbusters américains qu’à celui de l’escrime, les conditions suspensives seraient Captain América là où les conditions résolutoires seraient Hulk 😉.
Plus concrètement, dans une opération immobilière, le foncier est l’alpha et l’oméga du développement immobilier. Sans foncier, pas de permis, sans permis, pas d’opération et sans opération … pas d’opération.
C’est ce que l’on appelle un actif.
Cet actif a une valeur qui est fonction, de sa situation géographique, naturellement, mais également de sa constructibilité, de sa desserte, des règles plus ou moins contraintes du PLU qui s’y appliquent, du fait que tu disposes ou pas d’une autorisation administrative t’autorisant à y construire des ouvrages (permis de construire, …), de la programmation envisagée ET de ses caractéristiques physiques propres comme le fait de savoir s’il est occupé, s’il est pollué, s’il a des caractéristiques mécaniques qui lui permettent de supporter le poids de tes bâtiments sans la réalisation de fondations profondes, s’il est le siège d’une installation ICPE, s’il comporte des ouvrages enterrés, éventuellement des engins pyrotechniques (bombes, munition, …) la présence ou non de servitudes, qu’il ne supporte pas de prescription de diagnostic ou de fouille archéologiques, …
Ce sont ces éléments que tu dois valider en amont de ton offre ou pendant la durée de la promesse de vente du terrain.
Si tu ne le fais pas et que tu découvres des caractéristiques différentes de celles que tu avais prises en compte dans ton offre (on parle dans la profession de « sujétions » qui dans ce cas-là sont imprévues) il est fort probable que tu auras payé ton foncier trop cher. Comme tu ne pourras plus ou difficilement jouer sur ton « haut de bilan » (le bilan de promotion comporte en haut le prix du terrain), tu devras jouer sur le « bas de bilan », c’est-à-dire soit payer moins cher tes prestataires, maître d’œuvre et l’entreprise de travaux, soit vendre plus cher ton opération soit encore, à défaut de pouvoir y procéder, diminuer ta marge. Compte tenu de la tension actuelle sur le coût des matériaux et les incertitudes sur le marché, notamment en raison de la hausse des taux d’intérêts, je crains bien que la variable d’ajustement soit ta marge.
[Antoine] :
[UnMute] : Attends Antoine, il existe une solution et c’est là qu’interviennent les conditions suspensives que tu vas intégrer dans ton courrier d’offre et ensuite dans la promesse de vente.
Le beauté du travail (c’est pour cela que je l’assimile au fleuret) va consister à écrire les conditions de ton engagement c’est-à-dire les événements dont tu n’as pas aujourd’hui connaissance (donc futurs) et dont tu ne sais pas s’ils vont être positifs ou négatifs (donc incertains).
Ces conditions vont :
dans un cas (celui des conditions suspensives) retarder ton engagement ce qui implique que tu ne seras tenu d’acheter le foncier qu’une fois ces conditions réalisées. Dans ton cas, la condition suspensive sera que tu obtiennes ton permis de construire, ton financement ainsi qu’un ou plusieurs diagnostic(s) par un bureau d’étude confirmant que le terrain n’est pas pollué, ne comporte pas d’engins pyrotechniques et n’exige pas la réalisation de fondations spéciales dont le coût remettrait en cause ton projet. On dit que l’accomplissement de la condition suspensive rend l'obligation pure et simple (C. civ., art. 1304, al. 2). Une telle condition affecte donc la naissance de l'obligation.
Dans un autre cas (celui des conditions résolutoires) jouer sur le maintien des obligations. L'accord est formé dès la signature et les engagements sont réputés immédiatement exécutables mais les parties ignorent si le contrat perdurera ou s'il sera rétroactivement anéanti. On dit que l’accomplissement de la condition résolutoire entraîne l'anéantissement de l'obligation (C. civ., art. 1304, al. 3).
Nous n’allons pas plus loin à ce stade sur les conditions résolutoires car tu n’es pas concerné mais rappelle-toi du glaive (ou de Hulk) et du fait qu’elles ne sont à utiliser qu’exceptionnellement et avec beaucoup de précaution.
[Antoine] : Je vous remercie, je vois exactement les conditions que je devrais intégrer dans mon courrier d’offre.
[UnMute] : Aucun problème, tu avais fait le plus gros du travail en te posant toutes ces questions en amont. Pour leur rédaction, tu peux t’appuyer sur le modèle de courrier d’offre que nous t’avons communiqué précédemment (si vous voulez vous abonner à la version Premium c’est par ici 👇) et qui comporte en annexe une liste des principales conditions suspensives à mobiliser au cas par cas.
[Antoine] : Parfait !
[UnMute] : Il faut que ce que tu souhaites et ce que souhaite le vendeur du terrain (on parle de la volonté des parties) soit clairement identifiée, soit en amont afin de la traduire dans des clauses claires et dépourvues d’ambiguïté, soit en aval à la lecture du contrat, afin de répondre aux questions sur les conséquences de telle ou telle clause.
Une condition ne peut jamais dépendre de la seule volonté d’une partie il s’agit alors d’un droit que l’on dit être « potestatif (purement pour les puristes) » . Afin d’éviter cela :
S’agissant de la condition de permis de construire : tu préciseras par exemple la programmation et la surface habitable ou de plancher, tu t’engageras à déposer le dossier de demande dans un certain délai,
S’agissant d’un financement : tu préciseras le montant du prêt et le taux maximum auquel il devra être accordé,
S’agissant d’une condition de sol/sous-sol : tu préciseras que ne soit pas nécessaire la réalisation de tels ou tels travaux complémentaires ou la prise en charge de tel ou tel surcout et solliciteras un diagnostic d’un bureau d’étude spécialisé.
L’interview du mois : 👀 🧑🏻🎤
⏱Temps de lecture estimé : 9 minutes et 40 secondes.
Comme chaque mois, retrouvez ici notre interview d’un professionnel de l’immobilier qui nous partage son actualité, son avis sur la conjoncture actuelle et nous en dit un peu plus sur lui.
Cette semaine, nous avons eu le plaisir d’accueillir François PICHON, Gérant du cabinet de Géomètres Experts OPERANDI.
Nous espérons que cette interview vous plaira autant que nous avons eu de plaisir à la mener.
Et rappelez-vous, “nous sommes la moyenne des 5 personnes que nous côtoyons le plus” (Jim Rohn) 🤝🦾.
UM : Bonjour François, nous sommes ravis que vous ayez accepté d’être le deuxième invité de notre série d’interview d’autant que plusieurs de nos lecteurs nous ont fait part de leur intérêt pour votre profession. Pour commencer, pourriez-vous nous dire, pour ceux qui ne vous connaitraient pas, ce que vous faîte exactement ?
François PICHON : Merci pour votre invitation. La profession du géomètre-expert est l’un des plus vieux métiers du monde. On en connait d’autres… mais c'est une réalité.
Les Égyptiens, il y a 5000 ans environ, avaient déjà des géomètres. En effet, chaque année, au printemps, suite aux crues répétées du Nil engendrées par la fonte des neiges, les limites bien marquées des champs disparaissaient. Aussi, afin d’apaiser les différends qui opposaient les paysans, il était fait appel à des « arpenteurs » afin de redélimiter leurs parcelles respectives.
Par ailleurs, Platon avait inscrit au-dessus de l'entrée de l’Académie à Athènes « Que nul n'entre ici s’il n’est géomètre ». Bien évidemment, cette phrase s’inscrivait dans une dimension philosophique, mais il s’agit d’une anecdote très connue au sein de notre profession.
Tout ceci pour dire qu’il y a eu besoin de géomètres, des topographes, géographes, etc. très tôt au sein de la société, car très tôt, il a fallu organiser la propriété, la diviser et la délimiter.
Pour autant, l’ordre des géomètres experts n'a été créé que très récemment. Ce n’est en effet qu’en 1946 que l'État a donné à cette profession une délégation de service public portant sur la délimitation de la propriété foncière.
La profession dispose donc d’un monopole pour dresser les plans et les documents topographiques qui délimitent les propriétés foncières. À ce titre, il joue un rôle essentiel dans le respect de la propriété et des biens fonciers.
Pour autant, les prérogatives confiées aux géomètres experts sont pendant longtemps restées assez floues en matière de copropriété. Ce n’est en effet que le 29 juin 2022, que la Cour de cassation a considéré que seuls les géomètres experts disposaient d’un monopole pour l’établissement des plans de copropriétés et uniquement en ce qui concerne les bâtiments existants. Lorsqu’on est dans le cadre d’une VEFA, la situation est en revanche différente puisque le bâtiment n'est pas construit. Il n'y a donc rien à mesurer. On est sur une conception architecturale du projet.
En plus des activités réservées par la loi, le géomètre-expert assure des missions de conseil et d’accompagnement auprès de ses clients : accompagnement dans la détermination des possibilités de constructions attachées à un terrain, dans la réalisation de démarches administratives (solliciter un certificat d’urbanisme pour une construction, constituer un dossier de demande de permis d’aménager,.), etc.
UM : Pouvez-vous nous présenter la structure que vous dirigez ?
François PICHON : Notre cabinet a été créé en 1946. Il s’agit d’une structure moyenne pour laquelle l’équipe est composée d’une petite trentaine de personnes. J'ai deux jeunes associés, tous les deux ingénieurs ESTP. Il s’agit d’une structure dans laquelle nous avons une dizaine d'ingénieurs, ainsi qu’une dizaine de techniciens supérieurs. Enfin, le reste de l’équipe est composé de personnes ayant des parcours très différents. Parmi eux, certains sont uniquement titulaires d’un CAP et sont devenus cadres car ils disposaient d’importantes qualités humaines et d'investissement.
Notre cabinet a une activité qui est tournée vers tout ce qui touche à « l’immobilier urbain ». Depuis quelques années notre clientèle est composée à 88% de professionnels. Nous avons en revanche assez peu de clients particuliers, ce qui est un peu exceptionnel dans notre profession. Généralement, la clientèle d’un cabinet des géomètres experts est plutôt composée d’un tiers de particuliers, d’un tiers de collectivités et d’un tiers de professionnels. Nous avons une très grosse activité en tertiaire, qui est d’ailleurs à l’heure actuelle renforcée en raison des impératifs que les investisseurs ont en terme d'isolation thermique et de performance énergétique. Par ailleurs, si pendant longtemps les opérateurs immobiliers nous missionnaient afin d’établir de « simples » plans topographiques, car ils avaient le plus souvent pour volonté de procéder à la démolition de bâtiments existants afin de reconstruire un nouveau bâtiment, on constate aujourd’hui une évolution des mentalités. Lorsque cela est techniquement et économiquement possible, les bâtiments sont à présent restructurés en vue de leur offrir une seconde vie. Il en résulte, s’agissant des bâtiments tertiaires, qu’on nous sollicite à présent sur la réalisation de plans beaucoup plus complets (niveaux, coupes, façades), mais aussi pour la réalisation de maquettes numériques type « BIM », de l’existant. Nous travaillons sur ces projets en transversale avec les architectes et les bureaux d’études intervenant sur ces opérations. Le échanges que nous avons avec ces derniers sont véritablement passionnants. En complément, nous avons d’ailleurs intégré un architecte en interne afin de nous accompagner sur ces projets de maquettes numériques.
UM : Au-delà de votre activité « traditionnelle », vous avez développés au fil des années une expertise particulière en matière de division en volumes. Pourriez-vous en nous en dire plus ?
François PICHON : Cette technique résulte de la nécessité qu’il y a eu de pouvoir gérer la propriété lorsqu'elle s’inscrit dans le cadre d’une « imbrication verticale ». Pendant longtemps, les personnes qui étaient propriétaires de terrains faisaient construire des immeubles sur ceux-ci et les mettaient en location. C'est quelque chose qui a progressivement évolué. Il faudra toutefois attendre le Code civil créé en 1804 afin que soit mis en place un début de mécanisme permettant de gérer l’imbrication verticale de la propriété. L’article 664 du Code Napoléon mentionnait ainsi, pour la première fois, le fait qu’il était possible d’avoir plusieurs propriétaires d’un même bien immobilier.
Ce n’est qu’au début du 20ème siècle que la demande de mise en place de propriétés en imbrication verticale s’est développée. La loi du 28 juin 1938 a été le tout premier mécanisme destiné à organiser cette propriété en imbrication verticale. Ce texte était toutefois très incomplet. Après la seconde guerre mondiale, il y a eu un boom extraordinaire de constructions, si bien qu’il s’est avéré nécessaire d’adopter une nouvelle loi d’ordre public, c’est-à-dire qui s’imposait à tous. Il s’agit de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, qui a depuis connu de nombreuses évolutions mais qui reste d’actualité.
Très peu de temps après cette loi, l’opération emblématique de la Défense a été développée. Dans le cadre de cette opération, les juristes, notaires, géomètres-experts se sont trouvés confrontés à une situation d'imbrication verticale compliquée, c'est-à-dire qu'il y avait à la fois des lignes SNCF, RER, des voies d’autoroutes, des routes départementales, des routes municipales, des locaux techniques communs, un parvis et des constructions privées (bureaux, logements, centre commercial), le tout en imbrication verticale. On s’est alors rendu compte que le statut de la copropriété n’était parfaitement adapté à ce type d’imbrication.
C’est à cette occasion que Maître THIBIERGE, Notaire, et Monsieur CUMENGE, Directeur Juridique de l'Etablissement Public Aménagement de la Défense, ont développé la technique de la division en volumes. Ce mécanisme qui repose sur certaines dispositions du Code civil[1] n’est pas du tout encadrée par la loi. Elle a toutefois été consacrée par la suite par la Jurisprudence. Certains diront que c'est un espace de liberté, mais c'est aussi une difficulté car celle-ci s’inscrit principalement dans un cadre purement contractuel. Or, comme vous le savez lorsque l’on s’inscrit dans un tel cadre on fige les choses de manière quasi définitive, puisque pour les modifier par la suite il est nécessaire d’obtenir l’accord unanime des parties prenantes, ce qui est parfois difficile à obtenir lorsque celles-ci sont relativement nombreuses.
Pour faire simple, la division en volumes se différencie de la division en copropriété principalement par deux aspects :
Le statut de la copropriété est encadré par la loi, ce qui n’est pas le cas de la division en volumes ;
Par ailleurs, d’un point de vue juridique, en matière de copropriété il existe des parties communes, alors qu’en matière de division en volumes, il n’y a que des parties privatives. C’est même l’absence de parties communes qui caractérise le fait que l’on puisse recourir au mécanisme de la division en volumes.
Enfin, l’Ordonnance du 30 octobre 2019, prise en application la loi ELAN du 23 novembre 2018 est venue modifier l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965, de sorte qu’à présent, dès lors que nous sommes en matière d’habitation le recours au statut de la copropriété s’impose. En revanche, en matière de tertiaires, de commerces, etc. on peut envisager la mise en place d’un régime dérogatoire à condition toutefois de mettre en place un organe de gestion ayant la personnalité morale (ASL ou AFUL), un cahier des charges avec servitudes le plus complet possible, etc. A ce titre, je déconseille assez fréquemment à mes clients de faire des divisions en volumes car parfois il n’est pas dans leur intérêt de monter des « usines à gaz » qui sont inutiles. J’incite d’ailleurs mes clients, bailleurs sociaux et promoteurs, à ne pas faire de divisions en volumes pour séparer des commerces en rez-de-chaussée, de logements qui sont au-dessus. Dans de nombreux cas de figure, je leur recommande de s’inscrire dans le cadre du statut de la copropriété qui évolue en permanence en fonction des attentes de la société, plutôt que dans le cadre purement conventionnel de la volumétrie qui ne saura pas évoluer dans le temps ou du moins très mal. En revanche, le recours à la division en volumes pourra parfaitement se justifier lorsqu’il y a de la domanialité publique car dans une telle hypothèse il n’y a pas d’autres choix ou encore lorsqu’on est en face d’un ensemble immobilier complexe hétérogène et qu’on a du mal à organiser autrement.
UM : Auriez-vous des conseils à donner à nos lecteurs avant de démarrer un projet immobilier et notamment quand est-ce que vous leur recommanderiez de faire appel à un géomètre-expert et surtout pourquoi ?
François PICHON : Je leur recommanderais de faire appel à un géomètre-expert le plus tôt possible car celui-ci pourra leur donner des informations relatives au foncier et à l’urbanisme. De plus je pense opportun, dans le cadre de projets urbains complexes, de pouvoir intervenir dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires (Notaire, avocat, géomètre-expert). Les opérateurs ont d’autant plus intérêt à nous faire intervenir le plus tôt possible, car ils vont pouvoir bénéficier de conseils gratuits au départ, sous réserve bien sûr qu’ils nous fassent intervenir par la suite. Cela permet également d’échanger de manière constructive très tôt avec nos clients, leur notaire qui est spécialiste du droit des contrats et le cas échéant leur avocat qui est spécialiste du droit public et de l’urbanisme, de manière à anticiper les difficultés. Le géomètre-expert peut quant à lui apporter son approche pratique. Il dispose à la fois de compétences techniques, mais aussi de compétences juridiques (droit civil, droit de la division) qui sont complémentaires à celles qu’apportent notaire et avocat.
UM : Quelle est l’opération la plus marquante sur laquelle vous ayez eu à intervenir ?
François PICHON : J’en donnerai deux qui sont d’ailleurs très différentes. Tout d’abord, le Grand Hôtel-Dieu de Lyon car cela a été pour moi un chantier important, sur lequel j’ai énormément apprécié de travailler. Entre le premier état des lieux et le modificatif final de la division en volumes, il s’est passé une dizaine d’années. C’était un dossier très technique et très juridique. La deuxième opération emblématique qui m’a passionnée et sur laquelle j’ai également travaillé pendant près de dix ans, est le pôle d’échange multimodal de la Part-Dieu à Lyon qui, d’un point de vue foncier, a été l’opération la plus compliquée sur laquelle je suis intervenu. C’est un projet qui s’étend sur 2 hectares. Pour l’anecdote, il y avait à l’origine déjà 11 divisions en volumes qui préexistaient sur le foncier du pôle d’échange. Or quand vous construisez un objet qui n’a rien à voir, c’est très compliqué à gérer.
Pour plus d’informations sur l’accompagnement que peut vous apporter un géomètre-expert, nous vous invitons à consulter le site de l’ordre de cette profession à l’adresse suivante : https://www.geometre-expert.fr/nous-connaitre/la-profession/
Les actualités marquantes et intéressantes du mois 👀
Une sélection flash 🐱🏍des news et tendances des jours derniers qui nous ont semblées les plus intéressantes.
⏱Temps de lecture estimé : […]
#1. La nouvelle obligation déclarative pour les propriétaires
Nous aimons la simplicité en France. La taxe d’habitation est supprimée pour toutes les résidences principes à compter du 1er janvier 2023 (😀). MAIS, afin de déterminer précisément les propriétaires encore redevables de la taxe d’habitation (résidences secondaires, logement locatif) ou de la taxe sur les logements vacants, la DGFiP a eu l’idée d'instaurer une nouvelle obligation déclarative qui s'impose à TOUS LES PROPRIETAIRES de logement(s) sans exception 🤯. Cette nouvelle obligation déclarative s’effectue dans le service en ligne disponible sur impots.gouv.fr dans votre espace Particulier > onglet « Biens immobiliers ».
Pour ceux qui se poseraient la question, ⚠️ s'agissant d'une obligation déclarative, une amende d’un montant forfaitaire de 150€ par local pourra ainsi être appliquée par le fisc en cas d’erreur, omission ou insuffisance déclarative 👼🏻
#2. Énergie solaire : un décret allège la procédure d’urbanisme pour les petits projets
Le gouvernement a publié, le 29 décembre 2022, un décret attendu par la filière photovoltaïque portant simplification des procédures d'autorisation d'urbanisme relatives aux projets de centrales solaires au sol. Le texte prévoit, hors secteurs protégés, le rehaussement du seuil de puissance au-delà duquel les projets d'ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installés sur le sol basculent de la formalité de la déclaration préalable à celle, plus contraignante, du permis de construire. Concrètement, il augmente ainsi, de 250 kW à un 1 MW, le seuil de dispense de permis de construire pour les centrales solaires au sol. Ce seuil est aligné sur le seuil d'évaluation environnementale systématique applicable au titre du code de l’environnement.
#3. Performance énergétique des constructions temporaires
Le Décret n° 2022-1516 du 3 décembre 2022 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions temporaires décale au 1/7/2023 la date d'entrée en vigueur de la réglementation environnementale 2020 pour les constructions temporaires au sens de l'article R. 421-5 du code de l'urbanisme, et étend la possibilité d'adapter les exigences de la réglementation environnementale 2020 aux constructions prévues pour une durée d'utilisation de moins de deux ans.
#4. Nouveaux formulaire CERFA pour les permis de construire
Alerte formulaires ! ⏰ Les CERFA ont changé au 1er janvier !
Les CERFA utilisés pour les formalités d'urbanisme sont une nouvelle fois modifiés.
Les évolutions en cause sont mineures selon les termes du ministère et l’utilisation d’une mauvaise version du formulaire CERFA ne nous semble pas pouvoir justifier un refus de votre dossier de demande si votre dossier est complet. Cela étant, nous vous conseillons d’utiliser les dernières versions des formulaires pour éviter tout “aléas administratif”. 👨💻
#5. Un super dossier consacré aux appels à projets dans le RDI
Le dossier « Appel à projets » publié à la RDI n° 12 – Décembre 2022, p. 624 tente d’apporter quelques éclairages opérationnels et juridiques.
1. Appel à projets et commande publique, par Laurent Richer
2. L’évolution des projets, par Jean-François Lafaix et Raphaël Léonetti
3. Les appels à projets urbains innovants, entretien avec Stéphane Lecler, directeur de l’urbanisme de la Ville de Paris, propos recueillis par Raphaël Léonetti et Jean-François Lafaix.
#6. Une précisions bienvenue sur l’articulation entre permis de construire et autorisation ERP
Par un arrêt du 13 janvier 2023 (n° 450446), le Conseil d'Etat confirme que lorsque l'aménagement intérieur de locaux constitutif d'un futur établissement recevant du public (ERP) n'est pas connu, le permis de construire peut être valablement délivré, sans autorisation préalable de création d'ERP, à condition que ledit permis mentionne à condition que ledit permis mentionne expressément l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public.
Voilà, c’est tout pour ce mois-ci. Nous espérons que cela vous a plu.
Si vous voulez aller plus loin, la version Premium est par ici :
Bonne semaine, on se retrouve bientôt.
Sébastien & Eric