#26 - L'aparté n°9 - « ALBEDYA permet aux acteurs de l'immobilier de devenir autonomes sur les sujets climatiques » (Aymeric BEMER)
Hello à tous,
Nous sommes très heureux de vous retrouver pour le vingt-sixième (#26) numéro de votre newsletter dédiée au montage d’opérations immobilières.
Dans ce numéro de “mi-mois”, vous allez faire la connaissance de Aymeric BEMER, fondateur de la startup ALBEDYA, un logiciel en ligne qui vise à faciliter la prise en compte de l'environnement d’un projet dès les premières étapes de conception des projets architecturaux et qui permet d'analyser l'impact des choix de conception sur la performance énergétique, le confort thermique et acoustique, ainsi que sur l'esthétique du bâtiment.
Nous achèverons ce numéro en vous partageant l’actualité immobilière la plus récente que nous avons spécialement sélectionnée pour vous.
3, 2, 1 : On est parti 🚀
L’interview du mois :
⏱Temps de lecture estimé : 8 minutes
Comme chaque mois, retrouvez ici notre interview d’un professionnel de l’immobilier qui nous partage son actualité et nous en dit un peu plus sur lui et son activité.
Cette semaine, nous avons eu le plaisir d’accueillir Aymeric BEMER, fondateur de la startup ALBEDYA.
Et rappelez vous, “nous sommes la moyenne des 5 personnes que nous côtoyons le plus” (Jim Rohn) 🤝🦾.
« Le véritable enjeu pour les acteurs de l'immobilier est de devenir autonomes sur les sujets climatiques. »
[[UM] : Bonjour Aymeric. Je te remercie d'être le 13e invité pour notre série d'interviews. Tu es le fondateur d'Albedya, sur quoi nous reviendrons en détail plus tard. Pour commencer, pourrais-tu te présenter et nous parler de ton parcours, et ce qui t'a amené à créer Albedya ?
[AB] : Je suis ingénieur et enseignant, spécialisé en stratégie environnementale et qualité architecturale, j’anime également des interventions sur la thématique de l’architecture bioclimatique. Mais mon parcours initial est plutôt atypique. J'ai débuté dans la filière technique, sur les chantiers, en installant des systèmes énergétiques : chaudières, radiateurs, climatisations, ventilation, etc. Ensuite, j'ai poursuivi mes études en BTS pour évoluer en bureau d'études. Sur les chantiers, nous rencontrions des problématiques d'installation que nous attribuions souvent aux bureaux d'études. J'ai donc décidé d'améliorer les conditions de travail de mes camarades en anticipant les problèmes dès la conception. Une fois en bureau d'études, j'ai réalisé que les enjeux remontaient jusqu'aux architectes. Nous recevions des conceptions de bâtiments axées sur l'amélioration de la performance énergétique, mais une fois les systèmes améliorés et l'isolation renforcée, nous perdions le contrôle. J'ai compris que les architectes étaient les garants de la performance énergétique et environnementale. J'ai donc poursuivi mes études en école d'architecture à Strasbourg, où j'ai obtenu une licence en architecture écologique. Cette formation pluridisciplinaire m'a permis de comprendre l'importance de la conception sur l’usage. Ensuite, j'ai travaillé six mois sur un projet de recherche et développement à l'école d'architecture de Nancy, où nous avons eu l'opportunité, avec l’équipe que j’avais intégrée, de concevoir des logements écologiques à l'échelle 1. Après cette expérience, j'ai rejoint le bureau d'études Franck Boutté à Paris en tant que chef de projet, où j'ai appris le métier de l'ingénierie environnementale et du conseil aux architectes sur l’approche écologique. Mais pendant cette période, j'ai constaté que l'aspect écologique des constructions était souvent relégué au second plan, comme un simple facteur différenciant ou levier d’optimisation faisant écho à une politique d’aménagement. On était souvent contraint de faire des compromis sur l’approche environnementale face au rapport de force de l’économie de projet. C'est ainsi que j'ai intégré l'agence d'architecture Patriarche afin de participer au développement d’un Pôle Environnement dans le but d’internaliser la transition environnementale au sein du tracé architectural des projets de l’agence. Or, c’est à cette époque qu’est entrée en vigueur la RE2020. Nous avons dû nous adapter à une nouvelle réglementation multicritère, ce qui a nécessité une réorganisation pour intégrer l'approche environnementale dès le début du processus de conception. Cependant, les limites techniques des outils dont disposent les architectes dans ce domaine ont rendu ce processus difficile. Face à ces défis, j'ai réalisé la nécessité de créer un outil pour faciliter le dialogue entre les architectes et les ingénieurs, d'où est né Albedya, soutenu initialement par l’agence d’architecture pluridisciplinaire Patriarche.
[UM] : C’est donc un projet « d’intrapreneuriat » à l’origine ?
[AB] : Oui tout à fait, mais j’en ai gardé la propriété intellectuelle en totalité. Les architectes affichent une certaine carence technique en matière d’optimisation énergétique ce qui les rend dépendants de l’ingénierie environnementale, notamment en phase pré-étude. Cette dépendance entraîne des freins dans la gestion des projets, compromettant parfois les objectifs environnementaux. C'est dans ce contexte que j'ai commencé à réfléchir à une solution qui faciliterait le dialogue entre les architectes et les ingénieurs, et qui intégrerait l'approche urbaine, architecturale et environnementale dès les premières étapes de conception. C'est ainsi qu'est né le projet Albedya, d'abord initié au sein de l'agence Patriarche, puis développé indépendamment dans un second temps.
[UM] : Peux-tu nous en dire plus sur Albedya ?
[AB] : Albedya est un logiciel en ligne d'études climatiques qui vise à faciliter la prise en compte de l'environnement dès les premières étapes de conception des projets architecturaux. Pour ce faire, l’idée est de prototyper des morphologies de bâtiments neufs, mais aussi de bâtiments existants. Il fonctionne en centralisant toutes les informations pertinentes liées à une adresse, telles que le climat local, l’exposition solaire, la topographie, le contexte urbain environnant et les effets de masque, vis-à-vis, le relief, les risques naturels (sismiques, inondations…) et technologiques, les DPE que l’on décortique (ce qui nous permet de connaître la composition et l’épaisseur des murs, les caractéristiques du vitrage, la présence de stores à l’intérieur ou l’extérieur,…), les données énergétiques, etc. En utilisant l’Opendata, nous pouvons fournir aux concepteurs des informations précises sur le contexte environnemental d'une adresse donnée en automatisant l’étude de site. Albedya permet également d'analyser l'impact du design d’enveloppe sur l’usage interne, afin de tester des variantes et orienter la conception. Notre objectif est de rendre ces informations accessibles et compréhensibles pour les professionnels du secteur, afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées dès le début du processus de conception.
A terme, nous proposerons des modules de production photovoltaïque, des modules d'étude de l'imperméabilisation des sols sur la parcelle, les études de coefficient de biotope. Nous allons également pouvoir étudier la récupération et la valorisation des eaux pluviales pour connaître le potentiel d'autonomie en eau pour un poste, en récupérant de l'eau sur les toitures par exemple. Il sera également possible d’analyser l'impact des choix de conception sur une façade sur l'usage et les consommations. Nous développons les 10% des outils permettant de répondre à 80% des questions des concepteurs en phase pré-étude, afin d’anticiper les remarques des bureaux d’études et fluidifier le dialogue entre ces 2 métiers.
[UM] : Il s’agit donc d’un outil qui est destiné aux architectes ?
[AB] : Oui, mais pas seulement ! Nous l’avons conçu pour qu’elle soit le plus agile, ergonomique et polyvalent possible afin qu’il puisse être utilisé par le plus grand nombre (architectes, architectes d'intérieur, bureaux d’études, promoteurs, aménageurs,…). Tous ces acteurs vont ainsi pouvoir voir l'impact de leurs choix en termes de performance énergétique du bâti. Cela va leur permettre de gagner énormément de temps. Albedya peut également intéresser les marchands de biens qui vont ainsi disposer d’un argument concurrentiel différenciant. Albedya va permettre de connaître la résilience d'un logement face à réchauffement climatique. Il s’agit en quelque sorte d’un nouvel indicateur qui peut être mis en avant pour valoriser un bien. Par exemple, le fait d'avoir un balcon à l’étage supérieur sur une façade plein sud va avoir un effet d'ombrage. Or Albedya va permettre de le quantifier et donc valoriser un bien sur sa résilience face au réchauffement climatique et donc de garantir un meilleur confort pendant les périodes de canicule. Nous créons une nouvelle technologie sur laquelle pourront se plugger plusieurs business.
[UM] : C'est un outil qui est accessible en ligne qui fonctionnera sous la forme d'un abonnement ?
[AB] : Nous allons proposer différentes formes d'abonnements mensuels, le prix évoluera en fonction de différentes variables, à savoir le nombre de projets étudiés à l'année et le nombre d'utilisateurs dans l’entreprise. Cette démarche vise à apporter plus d’équité dans l’accès à notre innovation et encourager les indépendants à l’utiliser afin d’internaliser la compétence technique et développer leur activité.
[UM] : Tu en es la version bêta ?
[AB] : Nous en sommes à la version Alpha. Pendant un an, nous avons développé un produit minimum permettant de prouver la viabilité de notre concept. Aujourd’hui, le projet est abouti, l'entreprise est créée et l'équipe se développe très rapidement. Nous sommes actuellement en train d’optimiser la version Alpha pour la rendre la plus agile possible. La version Bêta verra le jour à la fin d'année 2024.
[UM] : Que signifie Albedya ?
[AB] : Ce nom s'inspire de deux concepts technique et sémantique. Albedya fait référence à l’albedo qui est la valeur physique permettant de connaître la quantité de lumière solaire incidente réfléchie par une surface. Mais également à Al bidaya, ou “البداية, qui signifie “le commencement” en Arabe et souligne le moment idéal auquel nous invitons les concepteurs à étudier leurs projets. Jusqu’à présent, je n’ai pas trouvé de nom plus cohérent.
[UM] : Il faut avoir un certain courage pour abandonner un CDI de cadre dans un grand groupe. Quels sont les difficultés auxquelles tu as été confronté quand tu as créé Albedya ?
[AB] : J’ai développé mon projet avec 3 principes : qui je suis, ce que je connais, et qui je connais. Du courage il en faut dès lors que l’on sort de sa zone de confort, mais il s’agit d’un projet fédérateur auquel je crois. J'ai eu la chance d'être soutenu par l'agence d'architecture Patriarche, qui a cru en mon projet dès le début. Patriarche m'a aidé à me structurer en m'incorporant dans un programme d'accompagnement de l'incubateur de start-up appelé Sisuu. Grâce à Patriarche, j'ai pu développer et concrétiser mon idée, être orienté, comprendre les enjeux et me former. Cela a commencé par une simple idée que j'ai partagée avec Patriarche, qui l'a immédiatement comprise et soutenue. Cependant, j'ai vite réalisé que je n'avais pas les compétences en développement informatique, pourtant cruciales pour mon projet. J'ai alors collaboré avec une école de développement pour former une équipe de développeurs fullstack. Pendant trois mois, nous avons travaillé jour et nuit sur la recherche et développement, explorant des technologies et des sujets que je ne maîtrisais pas forcément. Nous avons analysé les langages de code, les formats de fichiers, déchiffré les données disponibles en open data, et réfléchi à leur utilisation pour valoriser mon idée. Ensuite, nous avons passé un mois à créer un wireframe, une maquette numérique de l'outil, pour visualiser mes idées et me projeter. Il fallait ensuite comprendre comment transformer les données brutes en un outil numérique accessible. Pour cela, j'avais besoin de développeurs qui m'expliquent comment passer d'une donnée brute à une donnée exploitable dans un outil en ligne. Après quatre mois de travail avec les développeurs, nous avons abouti à un prototype fonctionnel, un logiciel en ligne qui répondait à ma vision. Je suis retourné chez Patriarche avec ce projet en place, et ils m'ont proposé de renouveler notre collaboration pour continuer à soutenir le lancement de ma start-up. Nous rencontrons depuis plusieurs mois différents acteurs pour présenter notre produit et obtenir des retours d'expérience. Nous avons un taux d'intérêt de 95%, ce qui nous a confortés dans notre proposition de valeur. Nous lançons maintenant des préventes, sous forme de crowdfunding, pour financer le développement de notre produit. Nous échangeons uniquement avec de potentiels clients, restant à distance de l’écosystème de la startup nation, afin de rester focaliser sur la qualité de notre livrable et répondre à un besoin métier. J’invite d’ailleurs les concepteurs intéressés à se manifester dès à présent. Notre objectif est de devenir l'outil essentiel d'étude climatique dans les agences de conception d'ici quatre ans.
[UM] : Tu as rencontré et présenté Albedya à Christophe Béchu lors du Forum mondial du bâtiment et climat qui s'est tenu les 7 et 8 mars dernier au Palais des Congrès de Paris. Peux-tu nous partager cette expérience et sur quoi cela pourrait potentiellement déboucher ?
[AB] : Oui, nous avons été invités à cet événement, qui est une étape en aval de la COP28 à Dubaï. L'objectif est de mettre en lumière des solutions et des engagements concernant le lien entre le bâtiment et le climat. Albedya a été sélectionné pour présenter notre projet et a reçu le prix d'exposition.
Lors de ce forum, j'ai eu l'occasion de rencontrer Christophe Béchu dans le salon. Je lui ai présenté Albedya et expliqué notre vision du projet.
Lors de cette discussion, Christophe Béchu a été intéressé, puisque la Ville d’Angers - dont il était maire de 2014 à 2022 - possède un jumeau numérique. Nous sommes actuellement en phase d'échange avec son équipe concernant une potentielle expérimentation à l'échelle 1 sur la ville d'Angers. Cette collaboration serait une terre d’expérimentation formidable afin de générer des retours d’expérience concrets et tester la viabilité de notre produit.
[UM] : Comment vois-tu l'avenir d'Albedya ?
[AB] : Mon objectif est de faire d’Albedya un succès. A court terme, nous devons nous constituer un groupement de clients impliqués comprenant notre vision et désireux d’en faire partie. Nous allons identifier et développer les fonctionnalités répondant aux attentes de nos utilisateurs afin de trouver notre produit idéal permettant de développer leurs activités. Le but étant valider notre proposition de valeur et de pivoter dans le sens du besoin client si nécessaire. Je peux pour cela compter sur mon conseil et de solides soutiens. J’aimerais également qu’Albedya devienne rapidement un outil intégré au programme d’enseignement des écoles d’architecture, et permettre de sensibiliser la culture autour de ces sujets, en complément d’un programme éducatif dédié en cours d’application. Concernant ma vision du moyen terme, Albedya est suffisamment fluide et optimisé pour être déployé à l'international, nous développons son architecture numérique dans ce sens, afin d’anticiper son déploiement à une autre échelle. Nous avons accès au climat local, à la 3D des bâtiments et aux reliefs du monde entier, ce qui nous permet de proposer une solution à l'échelle internationale. Scientifiquement, notre approche est irréprochable, ce qui signifie que nous pouvons répondre aux besoins de chaque utilisateur dans le monde entier. Pour le long terme, mon rêve serait qu’Albedya devienne rapidement l'outil d'étude climatique des bâtiments indispensable, présente dans chaque agence autour du globe, répondant à une problématique mondialisée : Rendre accessible l’adaptabilité de nos espaces de vie face au réchauffement climatique.
[UM] : Quel est ton meilleur souvenir en tant qu'entrepreneur jusqu'à présent ?
[AB] : Il s’agit certainement du trajet lors de la présentation de la première version de notre outil à la direction opérationnelle de l’agence Patriarche. C’était la restitution du livrable après plusieurs mois de travail dans l’ombre. Le premier jalon concret. Nous avions fait le trajet en covoiturage avec toute l’équipe, prêts à en découdre, dans une voiture beaucoup trop petite, avec de la musique beaucoup trop forte. Et même s’il pleuvait des cordes ce jour-là, dans notre vaisseau, il faisait chaud. Nous partagions un sentiment d’excitation très puissant, ainsi que du travail accompli. C'était un moment où nous étions encore dans l'imaginaire d’une réaction forte, avec l'espoir que notre production fasse l’unanimité, conscient de l’innovation de notre création, et active l’avenir souhaitable que nous rêvions. Ce trajet symbolise l'aventure entrepreneuriale, l'esprit d'équipe et l’action. Et nous avions compris ce qu’était la valeur du mérite une fois sortis de cette réunion. Il s’agit de mon plus beau souvenir.
[UM] : Merci beaucoup pour cet échange.
[AB] : Merci de m’avoir écouté.
Les actualités marquantes et intéressantes des dernières semaines 👀
Une sélection flash 🐱🏍 🏍des news et tendances des jours derniers qui nous ont semblées les plus intéressantes.
Du coté des tendances …
#1 - Enième effet d’annonce ou réelles mesures en faveur du logement ?
Le 12 mars, lors du salon Mipim à Cannes, le ministre du Logement Guillaume Kasbarian a présenté 10 mesures pour simplifier et relancer la production de logements.
« Face à la crise que connait le secteur du logement, le mot d’ordre est simple : de l’offre, de l’offre, de l’offre », résume-t-il en introduction d’un dossier de presse associé. Et de souligner la nécessité du « choc d’offres, que je souhaite mettre en place, en utilisant tous les leviers possibles ».
Au total ce sont dix leviers qui ont été identifiés par le gouvernement, répartis en cinq chantiers.
Le premier vise à « accélérer et moderniser les procédures d’aménagement pour faciliter la production de logements neufs », incluant notamment l’extension des permis d’aménager multi-sites et met l’accent sur la densification.
Un autre chantier consiste à « raccourcir les procédures de recours pour économiser jusqu’à 10 % du court du portage foncier », afin de réduire tant les coûts et les délais de construction.
Pour « sécuriser les porteurs des projets en amont », le ministère du Logement propose un certificat. Ce dernier devra lister les procédures, les décisions, les régimes et les décisions applicables au projet ainsi qu’un calendrier d’instruction de ces décisions.
« La dématérialisation des procédures sera renforcée, car il n’est plus compréhensible qu’en 2024, d’être contraint, d’échanger des documents papier, faute d’information et d’outils performants », indique également Guillaume Kasbarian.
Il nous est par ailleurs dit que l’ensemble de ces mesures feront l’objet de décrets « dans les semaines qui viennent » et seront intégrées à des projets et des propositions de lois dans les prochains mois. D’ailleurs, on relève un projet de loi « pour le logement des classes moyennes », comprenant la sensible réforme de la loi SRU sur les quotas de logements sociaux.
S’agit-il de la solution miracle que les opérateurs économiques appellent de leur vœux depuis plusieurs mois ? Rien n’est moins sur. A y regarder de prés, certains pourraient voir dans ces mesures [qui ne semblent d’ailleurs que traiter l’offre et non la demande] un aveux d’impuissance des politiques publiques depuis plus de 10 ans. De notre coté, nous y voyons au moins une première prise de conscience de la situation du secteur et de la necessité d’intervenir …
#2. Les députés votent la simplification de la conversion des bureaux en logements
L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, il y a 15 jours, en première lecture, une proposition de loi portée par le député Romain Daubié (Modem et indépendants) visant à faciliter la transformation de bureaux en logements.
La proposition de loi prévoit tout d’abord la possibilité pour les communes de déroger, au cas par cas, au PLU – qui fixe les règles d’utilisation des sols. Ceci afin d’autoriser la transformation de bureaux en logements dans des zones qui, en principe, ne peuvent pas être dédiées à l’habitation.
Le texte permet aussi aux élus locaux d’appliquer la taxe d’aménagement servant à financer de nouveaux équipements publics, qui s’impose pour l’heure uniquement en cas de création de nouvelles surfaces, à ces opérations de transformation de bureaux en logements. L’idée est d’encourager les élus à créer du logement sur leur territoire – alors qu’accueillir de nouveaux habitants nécessite des investissements importants pour les communes, afin de créer crèches, écoles, etc …
La proposition de loi crée aussi un permis de construire « à destinations multiples », qui permet de changer l’usage d’un bâtiment sans qu’une nouvelle autorisation d’urbanisme soit nécessaire. Elle donne par ailleurs aux CROUS, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, la possibilité de faire de la conception-réalisation pour raccourcir les délais dans ces opérations de transformation.
Du coté JP, des disposition législatives et réglementaires …
#3 - Recours contre les autorisations de construire : l’action “dissuasive” du promoteur en demande de dommages et intérêts n’aboutit pas forcément
Face à la pratique [quasi sportive] de certains requérants à recourir contre les autorisations de construire, les promoteurs ont riposté en menaçant ces derniers par des dommages-intérêts exorbitants.
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence vient de rendre un arrêt qui précise les conditions d’exercice de cette action récursoire (CA Aix-en-Provence, 30 janvier 2024, n° 20/00834 : https://vu.fr/sEAhP).
C'est ce qui est arrivé dans une opération de 358 logements dans laquelle le promoteur, dont le permis de construire avait été attaqué devant le Tribunal administratif par un voisin mécontent, a répliqué par une action en responsabilité délictuelle devant le Tribunal judiciaire en lui réclamant 15.563.120 euros, toutes causes confondues, pour recours abusif.
La Cour retient que l'exercice du droit d'ester en justice, de même que la défense à une telle action, constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas où le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui. En outre, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas à elle seule constitutive d'une faute, sauf s'il est démontré que le demandeur ne pouvait, à l'évidence, croire au succès de ses prétentions. Ainsi, la procédure engagée contre l'avoisinant et le montant de l'indemnisation réclamée, "de nature à faire forte impression sur le particulier auquel elle est réclamée, traduit, comme l'a estimé à juste titre le premier juge, une volonté [du promoteur] de faire pression et d'intimider qui caractérise, par une instrumentalisation du procès, un abus dans l'exercice de son droit d'agir en justice. Elle consacre un dessein de nuire à [l'avoisinant] afin de le déterminer à renoncer à son action. Cet abus oblige son auteur à en réparer les conséquences dommageables".
#4. La prise en compte de l’environnement dans l’élaboration des PLU : l’exemple du Grand Bornand
Par suite de l’élaboration de son PLU par la commune du Grand Bornand, en novembre 2019, plusieurs requérants, dont l’association « Protégeons le plateau de la Joyère contre l’urbanisation massive », ont saisi le tribunal et demandé l’annulation de ce PLU.
Le recours de l’association a notamment conduit le tribunal à se pencher plus en détail sur la légalité du processus même d’élaboration du document de planification urbaine.
Le Tribunal a relevé des insuffisances importantes dans le rapport de présentation du document d’urbanisme en matière environnementale. En particulier, la juridiction a retenu que la commune du Grand-Bornand n’avait pas suffisamment expliqué les incidences sur l’environnement des choix qu’elle avait faits quant à la consommation d’eau pour la production de neige de culture, en forte augmentation depuis 2016. Le Tribunal a également retenu que la commune prévoyait de créer 1500 lits supplémentaires à des fins exclusivement touristiques, correspondant à une consommation de 4,5 hectares d’espaces jusque-là dépourvus d’urbanisation mais n’avait pas suffisamment justifié ces prévisions, notamment au regard d’une progression démographie exagérément optimiste.
Sans annuler le plan local d’urbanisme, comme il l’a fait dans une décision récente pour la commune de l’Alpe d’Huez, le tribunal a imparti un délai de 18 mois au Grand-Bornand pour apporter les précisions nécessaires aux choix d’urbanisme qu’elle a retenus à l’horizon de 2030.
#5. Texte d’application du décret tertiaire
Un arrêté du 20 février 2024, paru au Journal officiel du 14 mars 2024, est venu préciser et compléter l’arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d’actions de réduction des consommations d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.
Ce nouveau texte procède notamment à la définition des objectifs exprimés en valeurs absolues pour la première décennie (horizon 2030) de plusieurs catégories d’activités (logistique de température ambiante, blanchisserie dite « industrielle », centres hospitaliers, établissements pénitentiaires, établissements médico-sociaux, protection judiciaire de la jeunesse, sports).
Il harmonise la rédaction de certains articles et précise :
– certaines définitions (notamment concernant l’année de référence, la surface de consommations énergétiques, plateforme OPERAT, etc.) ;
– les modalités de détermination de la consommation énergétique de référence ainsi que les modalités de son ajustement en fonction des variations climatiques ;
– les modalités de détermination et de modulation des niveaux de consommation exprimés en valeur relative et en valeur absolue ;
– le contenu du dossier technique relatif à une éventuelle modulation des objectifs de réduction de consommation d’énergie finale ;
– certaines fonctionnalités de la plateforme OPERAT ;
– les déclarations à effectuer pour bénéficier de la prise en compte des consommations de l’année de référence lors d’un changement d’assujetti (nouveau contrat de bail, acquisition), etc.
#6. Une offre d’achat contresignée oblige-t-elle le propriétaire à vendre ?
Dans le cadre d’une décision en date du 18 janvier 2024, la Cour de Cassation répond par la négative et précise qu’il est nécessaire d’analyser l’intention des parties pour déterminer si elles se sont effectivement engagées en donnant purement et simplement leur consentement à l’opération ou si elles l’ont soumis à condition.
En l’espèce, elle n’a pas donné suite à l’action des requérants dans la mesure où elle a relevé que :
le propriétaire avait clairement notifié au candidat acquéreur qu’il étudiait d’autres offres et que les modalités du financement projetées étaient déterminantes de son consentement.
Cette décision nous semble cependant source d’insécurité juridique et de contentieux dans la mesure où la détermination de la volonté des parties est laissée à la libre appréciation des juges du fond.
En pratique, il est conseillé aux professionnels de faire apposer des mentions sans équivoque. Par exemple « Accord pur et simple pour vendre aux conditions ci-dessus » si le vendeur donne son consentement sans condition, sinon mention des pré requis et précision de la date limite avant laquelle l’avant-contrat devra avoir été régularisé.
#7. CU et sursis à statuer
Nous vous avons déjà fait part de l’intérêt qu’il pouvait y avoir, pour tout porteur de projet immobilier, à obtenir un Certificat d’Urbanisme (CU), notamment par son effet cristallisant des règles d’urbanisme, même si ce dernier pouvait, dans certaines hypothèses, se trouver limité.
Dans un arrêt en date du 12 mars 2024 (CE 5ème chambre, 12/03/2024, 464589, Inédit au recueil Lebon) le Conseil d’Etat est venu rappeler que si, à la date de délivrance du CU, le débat sur les orientations générales du PADD du nouveau PLU ont eu lieu, un sursis à statuer doit être opposé à tout projet qui compromet le futur plan.
En l’espèce, à la date de délivrance d'un CU, le débat sur les orientations générales du PADD du nouveau PLU avait déjà eu lieu, le projet de plan avait été arrêté par délibération du conseil municipal et l'enquête publique s'était déroulée. Conformément aux objectifs du PADD de lutte contre l'étalement urbain et de préservation des paysages et des espaces naturels, le projet de règlement du PLU en cours d'élaboration prévoyait d'interdire les constructions nouvelles à usage d'habitation dans la zone d'implantation du projet, ancienne zone NBa d'habitat diffus reclassée en zone naturelle N en tenant compte de son éloignement de la centralité, du niveau d'équipement de la zone et des risques, notamment de feux de forêts. La construction de 3 maisons individuelles, dans une telle zone N, était de nature, à la date de délivrance du CU, à compromettre l'exécution du PLU en cours d'élaboration et aurait justifié que soit opposé un sursis à statuer à une demande de PC. Le permis obtenu en se prévalant du-dit CU est jugé illégal par le CE.
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