#39. La purge du permis de construire : les quelques règles à connaître pour terminer l'année sans trop de stress...
Hello à tous,
Nous sommes particulièrement heureux de vous retrouver pour ce nouveau numéro de votre newsletter dédiée au montage des opérations immobilières.
Nous espérons qu’en dépit de cette fin d’année quelque peu maussade, vous conservez malgré tout le moral.
Pour ce nouveau numéro, nous vous emmenons explorer l’univers des permis de construire et plus particulièrement de leur “purge”.
Nous tenterons, au travers de ce numéro de vous présenter l’ensemble des évènements qui sont susceptibles de faire obstacle à l’obtention d’un permis définitif, ainsi que les formalités et délais à respecter pour y parvenir.
3, 2, 1 c’est parti 🚀
Dimanche 1er décembre 2024, 17h14… :
Nous retrouvons nos trois héros Place Saint Jean à Lyon, en train de déguster un verre de vin chaud, tout en admirant la façade de la cathédrale… Connue comme la primatiale des Gaules, la cathédrale Saint Jean-Baptiste de Lyon a été construite entre 1180 et 1480, ce qui explique la diversité des styles architecturaux qui la composent…
Alors qu’un violoniste était en train de jouer un air de Noël non loin de là, Antoine leva brusquement sa main droite en direction d’une gargouille située sur le côté gauche de l’édifice.
[Antoine] : Saviez-vous que cette gargouille s’appelle Ahmed ?
[UM] : Quoi ?!?
[Antoine] : Il s’agit d’une gargouille qui a été réalisée en 2010, lors des travaux de rénovation de la cathédrale, en hommage à Mohammed Benzizine, qui était l’un des chefs de chantier. Il s’agit d’une oeuvre d’Emmanuel Fourchet, tailleur de pierre, destinée à caricaturer son propre chef… Il s’agit d’une pratique traditionnelle dans la profession afin de rendre hommage ou… de taquiner. D’ailleurs, cette gargouille est accompagnée de l'inscription "Dieu est grand", en français et en arabe.
[UM] : L’Eglise avait autorisé cela ?
[Antoine] : Oui tout à fait. Bien qu’il s’agisse d’une initiative personnelle, l’archevêché de Lyon a eu un regard particulièrement bienveillant sur le sujet.
[UM] : C’est très surprenant quand même.
[Antoine] : En effet, mais comme vous vous en doutez, ce n’est pas pour cela que je souhaitais vous voir.
[UM] : Oui…
[Antoine] : J’ai quelques petits problèmes de trésorerie cette fin d’année, si bien qu’il est impératif que je vende l’une de mes opérations d’ici le 31 décembre.
[UM] : Nous connaissons ça…
[Antoine] : Sauf que le Notaire de mon investisseur me demande du caractère définitif du permis de construire … Il me parle de risque de déféré préfectoral… Je ne comprends pas car j’ai pourtant affiché mon permis sur le terrain quelques jours seulement après son obtention et fait effectuer trois constats par un commissaire de justice afin d’être en capacité de justifier d’un affichage continu pendant deux mois. Je ne comprends donc pas bien pourquoi il me demande de lui justifier de cela en plus…
[UM] : Ok, nous comprenons. En réalité, il convient de distinguer les trois notions suivantes :
Le recours des tiers ;
Le déféré préfectoral ;
Le retrait administratif.
Commençons donc par “le recours des tiers” puisqu’il s’agit du risque le plus connu.
Dès sa délivrance, un permis de construire doit faire l'objet de plusieurs mesures de publicité destinées à assurer sa diffusion auprès des personnes intéressées. La décision d'octroi de permis, qu'elle soit expresse ou tacite doit ainsi faire l'objet d'un affichage sur le terrain et d'un affichage en mairie.
L'affichage du permis sur le terrain doit être réalisé sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 cm. Ce panneau doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou, lorsque le terrain n'est pas desservi par une voie publique, d'une voie privée ouverte à la circulation du public, et ce pendant toute la durée du chantier.1
Lorsque le terrain d'assiette n'est pas desservi par une telle voie, seul un affichage sur un panneau placé en bordure de la voie publique ou de la voie privée ouverte à la circulation du public la plus proche du terrain fait courir le délai de recours contentieux à l'égard des tiers. Il en va ainsi, par exemple, si le terrain se situe au fond d'une impasse de lotissement.2
L'affichage du permis de construire doit contenir un certain nombre d'informations relatives notamment à l'autorisation, à son bénéficiaire, aux travaux et au terrain concerné.3
Le juge administratif ne sanctionne toutefois pas systématiquement les lacunes du panneau d'affichage par l'inopposabilité des délais de recours contentieux : si les mentions prévues par l'article A. 424-16 doivent, en principe, obligatoirement figurer sur le panneau, une erreur affectant l'une d'entre elles ne conduit à faire obstacle au déclenchement du délai de recours que dans le cas où cette erreur est de nature à empêcher les tiers d'apprécier l'importance et la consistance du projet4. Ainsi, si les mentions présentes sur le panneau informent les tiers sur les caractéristiques essentielles du projet (surface de plancher, hauteur, emplacement) et ne les induisent en erreur sur ces dernières que de façon marginale, l'erreur commise sera sans incidence sur la régularité de l'affichage.
Enfin, sache que le défaut d'affichage du permis sur le terrain est sans influence sur la légalité même du permis de construire5. En revanche, il fait obstacle à l'ouverture du délai de recours contentieux de 2 mois.
En cas de contestation, il appartient au bénéficiaire de l’autorisation de prouver la régularité de l’affichage, la visibilité et la lisibilité de l’affichage et la date du début d’affichage. Cette preuve peut-être faite par tous moyens. Toutefois, il est d’usage que cette preuve soit établie via la réalisation de deux ou trois constats par un commissaire de justice.
Mais…pour l’anecdote, l’une de nos amies qui réalisait un projet personnel s’était fait prendre en photo avec le journal du jour et avait publié cette photo sur les réseaux sociaux…
[Antoine] : C’est original…
[UM] : En effet…
[Antoine] : Merci c’est très clair. En revanche, en cas d’introduction d’un recours gracieux, il y a prorogation du délai de recours contentieux c’est bien cela ?
[UM] : Oui tout à fait, mais uniquement pour l’auteur de ce recours gracieux. Les tiers ne bénéficient pas de cette prorogation.
Voici un schéma qui détaille cette hypothèse :
[Antoine] : En cas d’affichage non valable n’ayant pas permis de purger le délai de recours des tiers, existe t’il une date au delà de laquelle un tiers ne peux plus engager un recours ?
[UM] : Oui, tout à fait. L’article R.600-3 dispose à ce titre que :
“Aucune action en vue de l'annulation d'un permis de construire ou d'aménager ou d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable n'est recevable à l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'achèvement de la construction ou de l'aménagement.
Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d'achèvement mentionnée à l'article R. 462-1.”
[Antoine] : Tu évoquais précédemment une décision tacite. Un permis tacite doit également être affiché ?
[UM] : Oui. Il s’affiche exactement de la même manière qu’un PC express.
[Antoine] : Il n’y a pas d’autres cas de prorogation du délai de recours ?
[UM] : En réalité si, mais beaucoup l’ignorent…
Sache que les personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d'une aide juridictionnelle, totale ou partielle, accordée par les bureaux d'aide juridictionnelle (L. n° 91-647, 10 juill. 1991). Le délai de recours contentieux devant le tribunal administratif est interrompu par une demande d'aide juridictionnelle selon les modalités prévues à l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991.
[Antoine] : Qu’en est-il à présent du déféré préfectoral ?
[UM] : Comme tu le sais, toutes les décisions individuelles, dont font partie les permis de construire, sont transmises au préfet au titre du contrôle de légalité, dans les 15 jours de leur signature6. Le préfet dispose d'un délai de 2 mois à compter de la transmission pour exercer son contrôle de légalité.7
Lorsque cette transmission n'a pas été effectuée, le permis expressément délivré n'est pas exécutoire. De plus, le délai de 2 mois prévu pour l'exercice du contrôle de légalité ne peut pas courir.
C’est la raison pour laquelle le notaire de ton investisseur souhaite que tu lui justifies de la transmission du permis au préfet.
Dès transmission, le préfet, chargé d'assurer le contrôle de légalité, peut :
demander à l’autorité ayant délivré le permis de retirer sa décision. Dans cette hypothèse, la jurisprudence assimile la démarche du préfet à un recours gracieux interrompant le délai du recours contentieux8 ;
déférer au tribunal administratif un permis de construire qu'il estime illégal, en demandant le cas échéant la suspension de l'exécution de la décision.
[Antoine] : Et, pour ma culture, comment cela se passe en cas de PC tacite ?
[UM] : Contrairement au permis express, le permis tacite est exécutoire à compter de la date à laquelle il est acquis9.
Jusqu’au décret n° 2023-1037 du 10 novembre 2023, le premier alinéa de l’article R.423-7 du Code de l’urbanisme prévoyait que « lorsque l'autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt ».
Cet alinéa a toutefois été purement et simplement supprimé, si bien que le dossier de demande n’est à présent plus automatiquement transmis au préfet.
Conformément aux règles définies par le code général des collectivités territoriales, le dossier complet de demande devra donc être transmis au préfet au titre du contrôle de légalité au moment de la naissance de la décision, qu'elle soit expresse ou tacite. Il conviendra donc de s’assurer de la réalité de cette transmission.
A ce titre, il résulte de l’article R.424-13 du Code de l’urbanisme que :
“En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit.
Ce certificat mentionne la date d'affichage en mairie ou la date de publication par voie électronique de l'avis de dépôt prévu à l'article R. 423-6.
En cas de permis tacite, ce certificat indique la date à laquelle le dossier a été transmis au préfet ou à son délégué dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales.
[Antoine] : Pour finir, pouvez-vous me parler du retrait administratif ?
[UM] : Un permis de construire (d'aménager ou de démolir) tacite ou express, ne peut être retiré que s'il est illégal10. Lorsque le permis tacite est illégal, le maire est en situation de compétence liée pour le retirer.11 Il a donc l’obligation de retirer le permis.
Le permis, qu’il soit tacite ou explicite, ne peut toutefois être retiré que dans le délai de 3 mois suivant la date de cette décision.12
La date de démarrage du délai de retrait est celle de la signature du permis dans le cas de décision explicite et celle de la date d'échéance du délai implicite d'acceptation pour le permis tacite.
Le délai de 3 mois dont dispose le maire pour retirer son autorisation n'est quant à lui pas prorogé par l'exercice d'un recours gracieux par le préfet.13
Il convient enfin de noter que :
Passé le délai de droit commun de 3 mois, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire14 ;
Un permis obtenu par « fraude » peut également être retiré à tout moment. Cette règle est désormais inscrite à l’article L. 241-2 du Code des relations entre le public et l’administration :
« Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré. »
Voici un schéma synthétique :
[Antoine] : Merci beaucoup. Tout ceci est à présent parfaitement clair !
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C. urb., art. A. 424-15 et A. 424-18, créés par Arr. 11 sept. 2007, art. 4
CE, 27 juill. 2015, n° 370846
C. urb., art. R. 424-15
CE, 16 oct. 2019, n° 419756
CE, 8 mai 1981, n° 23599
CGCT, art. L. 2131-1, al. 1er
Le délai commence à courir le jour de la réception en préfecture de l'acte transmis (CGCT, art. L. 2131-6, al. 1er, L. 3132-1, al. 1er et L. 4142-1, al. 1er). Il s'agit d'un délai franc. Ne sont comptés ni le jour à partir duquel commence à courir le délai, ni le jour de l'échéance. Si les 2 mois s'achèvent un jour férié ou un jour non ouvrable, le délai est prolongé jusqu'au 1er jour ouvrable suivant
CE, 24 mars 1995, n° 123233 CE, 5 mai 2011, n° 336893
C. urb., art. L. 424-8
C. urb., art. L. 424-5, al. 1er
CE, 24 mai 1995, n° 134236
C. urb., art. L. 424-5, al. 2
TA Amiens, 4e ch., 18 sept. 2007, n° 0500855
C. urb., art. L. 424-5, al. 2