#46 - Le dépôt de plusieurs demandes d'autorisation d'urbanisme sur une même unité foncière
Nous sommes très heureux de vous retrouver pour le quarante-sixième (#46) numéro de votre newsletter dédiée au montage d’opérations immobilières.
Nous espérons que celle-ci vous trouvera en pleine forme, malgré les chaleurs caniculaires qui nous ont récemment frappées. Nous vous proposons de profiter de ces quelques jours de répits pour découvrir notre nouveau numéro.
Dans cette édition, nous avons décidé de vous parler de la question du dépôt de plusieurs autorisations d’urbanisme sur une même unité foncière, que ce dépôt soit concomitant ou successif.
Nous achèverons ce numéro en vous partageant l’actualité immobilière la plus récente que nous avons spécialement sélectionnée pour vous.
3, 2, 1 c’ est parti 🚀
Samedi 7 juin 2025, 16h54… Nous retrouvons nos trois héros à Saint-Christol-lès-Alès sous un soleil de plomb… Alors que le fils d’Eric participe à un tournoi de foot, Antoine et Sébastien, en week-end à proximité, sont venus le soutenir pour son premier match de poule contre… le Réal de Madrid !
Alors que les équipes se mettent en place, Antoine profite des quelques minutes qui les séparent du coup d’envoi pour interroger Eric et Sébastien…
« Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ».
Antoine] : J’ai une petite question concernant une opération pour laquelle j’envisage de réaliser deux bâtiments (une école et une résidence étudiante).
[Eric] : Fais vite s’il te plaît. Tu vois bien que ce n’est une nouvelle fois pas du tout le bon moment (lui répondit Eric fortement agacé).
[Antoine] : Oui bien sur… Je ne suis pas sûr que mon client sera en capacité de financer ces deux bâtiments tout de suite. Aussi, plutôt que de gérer cela dans le cadre d’un PCM en réduction si jamais le second ne se fait pas, je me dis que je pourrais déposer simultanément deux demandes de permis de construire (l’une correspondant à l’école et l’autre correspondant à la résidence étudiante) et qu’il me suffira de solliciter le retrait du permis portant sur la résidence si jamais je ne réalise finalement que l’école.
Maintenant, j’aimerais toutefois avoir votre avis quant à la possibilité de procéder au dépôt simultané, sur une même unité foncière, de deux demandes de permis de construire ?
[UM] : En réalité, il convient de distinguer deux hypothèses :
1ère hypothèse : La construction sur une même unité foncière de bâtiments distincts ne présentant pas de liens physiques ou fonctionnels entre eux :
Bien que le dépôt d’une demande de permis unique portant sur tous les bâtiments envisagés soit généralement privilégier, ce n’est absolument pas une obligation. Chaque bâtiment peut en effet faire l'objet d'une autorisation distincte, dont la conformité aux règles d'urbanisme sera appréciée par le service instructeur pour chaque projet pris indépendamment (CE, 28 déc. 2017, n° 406782).
2ème hypothèse : La construction sur une même unité foncière d’un ensemble immobilier unique :
La réalisation d'une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l’objet d’un seul permis de construire. Cette exigence découle de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme. Le service instructeur doit en effet être en capacité d’apprécier le projet dans sa globalité au regard des règles d’urbanisme applicables.
Il est toutefois admis, depuis l’arrêt du Conseil d’Etat « Ville de Grenoble » (CE. 17 juillet 2009 n°301615), que l'ampleur et la complexité du projet peuvent justifier que les éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l'objet de permis distincts, à la condition que l'autorité administrative ait pu vérifier, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés.
[Antoine] : Est-ce que les notions de liens physiques et fonctionnels permettant de distinguer ces deux hypothèses ont été précisés par la jurisprudence administrative ?
[UM] : Oui tout à fait.
Les “liens physiques” existants entre les différents éléments de construction doivent permettre d'appréhender l'ensemble comme un tout structurellement indissociable.
Le “lien fonctionnel” se conçoit de façon restrictive : la seule circonstance que l'une de ces constructions ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l'autre, au regard de considérations d'ordre technique ou économique et non au regard des règles d'urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble indivisible.
L'interdépendance des constructions distinctes doit exister au regard de l'application de la norme. Le lien fonctionnel permettant à deux constructions, tout en étant séparées, de former un ensemble unique dépend donc non seulement des éléments techniques et économiques du projet, mais également des règles d’urbanisme applicables. L’existence d’un lien fonctionnel implique donc une interdépendance des différents éléments d’une construction pour la conformité aux règles d’urbanisme du projet d’ensemble. Tel sera le cas d’un immeuble d’habitation et de l’aménagement de places de stationnements exigées par le PLU.
A ce titre notamment, le Conseil d’état est venu préciser dans un arrêt du 28 décembre 2018 (CE. 28 décembre 2018 n° 413955) que :
« lorsque deux constructions sont distinctes, la seule circonstance que l’une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l’autre, au regard de considérations d’ordre technique ou économique et non au regard des règles d’urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique ».
Le Conseil d’état, dans cet arrêt, en a tiré la conclusion selon laquelle le tribunal administratif avait commis une erreur de droit pour apprécier le lien fonctionnel des bâtiments en cause en se fondant uniquement sur des éléments techniques, à savoir le fait que ces projets soient « desservis par une même voie d’entrée et de circulation interne, qu’ils bénéficient d’une même rampe d’accès à leurs parcs de stationnement respectifs et partagent les mêmes réseaux d’eau, d’électricité, de fibre optique et de gaz, ainsi que l’éclairage collectif et d’autres équipements annexes tels qu’un poteau incendie, des boîtes aux lettres et un local de stockage de conteneurs à déchets et qu’enfin, bien que relevant de deux maîtres d’ouvrage distincts, ces projets présentent la même conception architecturale ».
[Antoine] : D’un point de vue pratique, comment doivent être déposées deux demandes de permis de construire simultanées ?
[UM] : Comme évoqué, le service instructeur doit être en capacité de porter une appréciation globale de la conformité de la construction projetée par rapport aux règles d’urbanisme. En pratique, chacune des demandes de permis doit être accompagnée d’une “note chapeau” présentant le projet dans son ensemble et précisant que chacune des demandes participent à un ensemble immobilier complexe. La notice architecturale (pièce PC4) devra être adaptée en conséquence.
[Antoine] : Pouvez-vous me rappeler la définition de la notion d’unité foncière et la raison pour laquelle elle est si importante ?
[UM] : Bien sûr ! Une unité foncière est un « îlot d'un seul tenant composé d'une ou plusieurs parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE, 27 juin 2005, n° 264667, cne Chambéry c/ Balmat). Une unité foncière ne peut pas être à cheval sur deux communes et ne peut pas être coupée par une route.
A ce titre, dans le cas d'un permis de construire, l'assiette de la demande est obligatoirement constituée par l'unité foncière. Elle ne peut pas porter sur une partie seulement de cette unité foncière. En revanche, dans le cas d’un permis d’aménager “la demande peut ne porter que sur une partie d'une unité foncière”, conformément à l’article R.441-1 du Code de l’urbanisme.
[UM] : Pour revenir à ta question initiale, nous attirons ton attention sur le fait qu’une autre solution pourrait également consister à déposer de manière simultanée une demande de permis de construire portant sur l’école et une seconde demande de permis de construire portant sur l’école ET la résidence étudiante. Ainsi, si tu ne réalises pou que l’école, il te suffira de procéder au retrait du second permis de construire. Reste que le service instructeur pourrait voir d’un mauvais œil cette façon de procéder. Tout ceci doit donc être géré en bonne intelligence avec celui-ci.
[Antoine] : Effectivement je n’y avais pas pensé… Nous venons d’évoquer le cas du dépôt de demandes de permis simultanés, mais est-il possible d’obtenir deux permis de construire successifs sur une même unité foncière ?
[UM] : Depuis la loi ELAN de 20181, l'article L. 424-5 du Code de l'urbanisme dispose désormais dans son 2ème alinéa que :
« La délivrance antérieure d'une autorisation d'urbanisme sur un terrain donné ne fait pas obstacle au dépôt par le même bénéficiaire de ladite autorisation d'une nouvelle demande d'autorisation visant le même terrain. Le dépôt de cette nouvelle demande d'autorisation ne nécessite pas d'obtenir le retrait de l'autorisation précédemment délivrée et n'emporte pas retrait implicite de cette dernière ».
Une même personne peut donc, désormais, se faire délivrer plusieurs autorisations l’urbanisme sur une même unité foncière sans que la délivrance d’une nouvelle autorisation annule la première.
[Antoine] : Est-ce qu’il est nécessaire que le premier permis soit obtenu pour que je puisse déposer le second ?
[UM] : Bien que cette disposition constitue une avancée majeure, très favorable aux porteurs de projets (à l’instar des autres évolutions apportées par cette loi), il y a toutefois lieu de noter, à la lecture du second alinéa de l’article L. 424-5, qu’une nouvelle demande de permis de construire ne peut valablement être déposée qu’à la condition qu’un premier permis ait été délivré.
Le texte n’exige en revanche pas que ce permis soit définitif ou encore que la conformité administrative ait été « obtenue ».
[Antoine] : Est-ce que chacun de ces permis peut être déposé par des pétitionnaires différents ?
[UM] : Dans la mesure où les textes ne l’interdisent pas, c’est effectivement possible.
Voilà, tu sais tout… ou presque !
.[Antoine] : Merci. Au fait, quel est le résultat ?
[Eric] : Nous perdons 1-0. Ils se sont bien battus. Allons nous “rafraichir” à présent !
Les actualités marquantes et intéressantes des dernières semaines 👀
Une sélection flash 🐱🏍 🏍des news et tendances des jours derniers qui nous ont semblées les plus intéressantes.
Du coté des JP, des dispositions législatives et réglementaires
1/ Le décret n° 2025-461 du 26 mai 2025 proroge de manière exceptionnelle la durée de validité des autorisations d’urbanisme (de 3 à 5 ans), afin de faciliter la reprise des chantiers et la production de logements.
Pour les décisions intervenues entre le 28 mai 2022 et le 28 mai 2024 :
Le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et les non-oppositions à déclaration préalable intervenus entre le 28 mai 2022 et le 28 mai 2024 est porté de 3 à 5 ans. L'objectif est de dispenser le pétitionnaire des procédures de renouvellement pour deux fois un an à l’issue du délai de validité initial de 3 ans. Le décret précise à cet égard que cette mesure fait obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions de droit commun (C. urb. art. R.424-21 à R. 424-23). A l’issue des 5 ans, il ne sera donc pas possible d’obtenir la proration desdites autorisations pour deux fois un an. Lorsqu'un permis de construire délivré dans cet intervalle vaut autorisation d'exploitation commerciale (C. urb., art. L. 425-4), la durée de l'autorisation d'exploitation commerciale est prolongée de deux ans.
Pour les décisions intervenues entre le 1er janvier 2021 et le 27 mai 2022 :
Par dérogation au régime de droit commun, le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable intervenus entre le 1er janvier 2021 et le 27 mai 2022 est prorogé automatiquement d'un an. Lorsqu'un permis de construire octroyé sur cet intervalle vaut autorisation d'exploitation commerciale, la durée de cette autorisation d'exploitation commerciale est prolongée d'un an.
Ces règles transitoires s’appliquent dans tous les secteurs. Elles ne sont pas limitées au logement.
Ces dispositions s'appliquent aux autorisations en cours de validité à la date du 27 mai 2025.
2/ Création d’un permis de construire « multi-destinations » :
Afin de favoriser les constructions « réversibles », la loi n° 2025-541 du 16 juin 2025 innove en créant un permis de construire pouvant autoriser plusieurs destinations successives du bâtiment (C. urb., art. L. 431-5, nouv.). Doté d'un délai de validité de 20 ans, ce permis « multi-destinations » a vocation à autoriser, dès sa délivrance, un état initial de la construction mais aussi ses états futurs propres à ses destinations postérieures. Le changement de destination sera garanti même dans le cas d’une évolution ultérieure du document d’urbanisme applicable modifiant la liste des destinations autorisées.
Les modalités d’application de l’article L. 431-5 du code de l’urbanisme feront l’objet d’un décret.
a) Champ d’application : Ce nouvel outil ne peut être mobilisé que dans des secteurs préalablement délimités par l’autorité compétente en matière de PLU et mis en annexe du document. Dans le cadre d’un PLUi, l’avis conforme du conseil municipal des communes concernées est requis. Elles disposent donc d'un droit de veto. Ses conditions de délivrance relèvent du droit commun. Les règles de prorogation et les règles de caducité de droit commun s’appliquent aux travaux autorisés par le permis de construire au titre de l’état initial de la construction.
b) Caractéristiques propres : Lorsqu’un permis de construire porte sur plusieurs destinations possibles :
il comporte la mention expresse des différentes destinations autorisées (étant précisé que le nombre des destinations susceptibles de l’être n’est pas limité par le texte) ;
dans un souci de flexibilité, la mention de la première destination de la construction n’est pas obligatoire (ce qui autorise les changements de destination en cours de réalisation) mais celle-ci doit néanmoins figurer au permis à la demande de l’autorité compétente en matière d’autorisations d’urbanisme ;
les modifications ultérieures des règles du PLU relatives aux destinations sont sans incidence sur la validité du permis délivré, pour une durée de 20 ans à compter de la délivrance du permis.
c) Portée de l’autorisation : Si les pièces fournies à l’appui de la demande permettent de vérifier la conformité des états futurs du projet, propres à ses destinations postérieures, à l’ensemble des règles d’urbanisme applicables au moment de sa délivrance, le permis autorise ces états futurs par anticipation, sans qu’il puisse être exigé ultérieurement de nouvelle autorisation d’urbanisme. La durée de validité de cette autorisation par anticipation est limitée à 20 ans à compter de la date de délivrance du permis. Dans le cas contraire, « le permis délivré ne permet pas de faire l’économie du dépôt d’une autre demande de permis de construire lors d’un changement ultérieur de destination - par exemple en cas de création de balcons sur un ancien immeuble de bureaux. Le porteur de projet saura simplement qu’il ne pourra pas se voir opposer un refus en raison du changement de destination » (Rapports CMP n° 1443 et 642, 20 et 21 mai 2025). Chaque changement de destination ou d’état donnera lieu à une information de l'administration soit lors du dépôt de l’autorisation d’urbanisme nécessaire à la réalisation des travaux liés au changement de destination, soit 3 mois avant le changement effectif de destination lorsqu' aucune autorisation n’est requise.
Du coté des tendances
3. Mise en ligne d’un simulateur des taxes d’urbanisme :
La DGFIP a mis en ligne le 12 juin dernier un simulateur de taxe d’aménagement et de taxe d’archéologie préventive. Celui-ci est accessible via le lien suivant : Simulateur des taxes d’urbanisme | impots.gouv.fr
Si vous avez aimé, vous pouvez soutenir notre travail.
Voici plusieurs méthodes :
N’hésitez pas à liker ❤, à commenter mais surtout à partager la newsletter cela permettra de la rendre plus visible et d’accroitre notre communauté.
👋 Si quelqu’un vous a transféré cette édition et que vous souhaitez vous inscrire à (Un)Mute, c’est par ici :
Faites nous part de vos impressions en un seul clic :
Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique