#6 - L'Aparté n°2 - "Rien n’est plus dangereux que la certitude d’avoir toujours raison"
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Hello à tous,
Nous sommes très heureux de vous retrouver pour le sixième numéro (#6) de votre newsletter dédiée au montage d’opérations immobilières.
Dans ce numéro de “mi-mois”, vous allez faire la connaissance de Philippe FAVRE-REGUILLON, Expert en évaluation immobilière, foncière, ainsi qu’en propriété commerciale, fondateur et gérant de la société IFC Expertise à Lyon, qui vous présentera son métier, ainsi que ce que peut apporter un expert dans le cadre d’une opération immobilière.
Nous achèverons ce numéro en vous partageant l’actualité juridique immobilière la plus récente que nous avons spécialement sélectionnée pour vous.
A présent, c’est parti !
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3, 2, 1 : On est parti 🚀
L’interview du mois :
⏱Temps de lecture estimé : 17 minutes et 23 secondes
Comme chaque mois, retrouvez ici notre interview d’un professionnel de l’immobilier qui nous partage son actualité et nous en dit un peu plus sur lui et son activité.
Cette semaine, nous avons eu le plaisir d’accueillir Philippe FAVRE-REGUILLON.
UM : Bonjour Philippe, nous sommes ravis que vous ayez accepté d’être le quatrième invité de notre série d’interviews. Vous êtes expert immobilier, foncier, ainsi qu’en propriété commerciale… Pouvez-vous revenir sur votre parcours – ce d’autant que je crois savoir que vous n’avez pas toujours été expert - et sur ce qui vous a conduit à l’expertise immobilière ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : J’ai le parcours d’un passionné, quasi autodidacte. J’ai commencé par une carrière de salarié jusqu’à une quarantaine d’années, qui s’est terminée sur un poste de directeur régionale au sein d’une filiale de NEXITY dédiée à l’aménagement. Auparavant, j’ai exercé les fonctions de chargé de développement chez Bouygues Immobilier, puis chez Kaufman & Broad.
J’ai toujours eu une farouche envie de créer ma propre structure et de me lancer dans le conseil. Par ailleurs, je suis issu d’une famille de petits propriétaires immobiliers, ce qui m’avait conduit à rencontrer dès l’enfance des problématiques d’évaluation immobilière et j’avais trouvé ce métier absolument fantastique. Le ras le bol de la fonction de salarié, m’a finalement poussé à sauter le pas.
Je reste toutefois extrêmement reconnaissant à l’égard des structures qui m’ont accueillies car elles m’ont beaucoup appris, notamment sur l’organisation, les process, la rigueur, etc.
Le fait de m’orienter vers cette profession était particulièrement intéressant car cela m’a permis de mettre en œuvre des connaissances que j’avais acquises dans le domaine immobilier. J’avais notamment beaucoup travaillé sur des problématiques de valorisation foncière (méthodes promoteur, lotisseur, aménageur) dans le cadre de l’élaboration de bilans d’opérations et le montage de grosses opérations d’aménagement (lotissement, ZAC). Je pense donc que je connaissais déjà, en matière de valorisation foncière, la partie la plus compliquée et il me restait donc à acquérir la partie la plus « éprouvée », à savoir les différentes méthodes de valorisation. Je me suis bien évidemment formé à ces différentes méthodes avant de m’installer comme expert en évaluation immobilière et foncière. Et puis, par gout et chemin faisant, j’ai progressivement été sollicité pour des problématiques relatives aux baux commerciaux… Et là cela a été la grande découverte car cela n’a plus rien à voir avec la logique ultra cartésienne de la "méthode par comparaison". Cela procède des dispositions du code de commerce, au sein duquel j’ai dû me plonger. C’est d’ailleurs un sujet qui m’a littéralement passionné, d’autant que comme je vous le disais ma famille est propriétaire de murs d’hôtels et j’avais vu passer tous les 9 ans des expertises concernant le montant du loyer car il y a un principe de déplafonnement d’office à l’issue du bail en matière de locaux monovalents1. Progressivement, le cabinet s’est donc spécialisé, en plus de l’ingénierie foncière qui découle de mon parcours salarié, sur les problématiques de valorisation de la propriété commerciale (de la détermination de la valeur locative, jusqu’à l’éviction commerciale, en passant sur les problématiques de valorisation de fonds de commerce et de droit au bail).
UM : L’intelligence artificielle s’est progressivement immiscée dans nos vies ces derniers mois, à tel point qu’il est question que certains métiers disparaissent dans les prochaines années. Avez-vous la crainte d’être un jour remplacé par un algorithme ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : En pratique, nous sommes sollicités pour deux types d’évaluation :
Le tout-venant : évaluation des biens résidentiels (ex : appartement), généralement dans un contexte de liquidation de biens de communauté, ce qui n’est pas très compliqué car les méthodes sont éprouvées depuis cinquante ans, si ce n’est plus (méthode par comparaison, par capitalisation, …) ;
Les problématiques dites complexes que nous apprécions plus particulièrement : valeur locative, propriété commerciale, etc.
Pour la première catégorie, l’intelligence artificielle présente un intérêt certain. A titre personnel, je ne vois pas vraiment l’intérêt d’être sollicité pour la valorisation d’un bien en centre-ville. Il suffit pour le client d’aller sur le web pour obtenir a minima une fourchette. Maintenant, notre intervention retrouve tout son sens en cas de différends pour lesquels on vient nous solliciter pas tant pour nos compétences techniques, mais pour jouer le rôle “d’arbitre”. Dans ce dernier cas, notre intervention présente un intérêt certain.
Pour la seconde catégorie, c’est-à-dire pour les cas complexes (baux commerciaux, calcul de de droits réels, etc.) l’intelligence artificielle ne pourra jamais nous remplacer. Lorsque je dispense des formations, je dis toujours à mes stagiaires que je délivre une “boîte à outils”. Cette boîte à outils permet de solutionner 50% des problèmes. Les autres 50% c’est l’humain. C’est la raison pour laquelle je considère que l’intelligence artificielle ne présente pas un risque pour notre profession.
UM : Avez-vous testé CHATGPT ? Nous avons récemment testé cet outil afin de lui soumettre les premières thématiques que nous avons traitées dans notre newsletter et je ne vous cache pas que ce test m’a rassuré, d’autant que le logiciel a buggé et qu’il n’est pas allé jusqu’au bout…
Philippe FAVRE-REGUILLON : Non je ne l’ai pas testé. Je n’ai pas vraiment eu de problématique où je me suis dit que j’allais laisser la machine faire le travail à ma place. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment le genre de la maison si vous voyez ce que je veux dire 😉. En revanche, j’ai testé Dall-E qui est un programme d'intelligence artificielle générative, également créé par OpenAI, capable de créer des images à partir de descriptions textuelles. Au-delà du fait que l’outil est en anglais, j’ai été extrêmement déçu par le résultat.
UM : Je vous pose la question car nous avons fait le constat dans notre cadre professionnel qu’un certain nombre de professionnels avait, depuis quelques mois, le réflexe de faire appel à cet algorithme dès lors qu’ils avaient une question. Or, je ne sais plus qui avait dit cela à propos de Wikipedia il y a quelques années, mais je trouve que cela s’applique tout aussi bien à ChatGPT… “A défaut d’être la vérité vraie, il s’agit de la vérité du plus grand nombre”.
Philippe FAVRE-REGUILLON : Il y a un film comme ça qui s’appelle Terminator… Le n°1…le culte !
UM : Oui tout à fait, espérons que cela finisse de façon un peu plus heureuse !
UM : Selon vous, de quelles compétences quelqu’un qui veut se lancer dans l’expertise immobilière devrait-il disposer ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : A l’heure actuelle, un bon bagage universitaire sera nécessaire. C’est un métier qui s’est complexifié et qui nécessite d’être en capacité de structurer une idée, un développement, mais aussi d’avoir une vision globale. Je constate donc qu’en dessous d’un niveau BAC+5 c’est très compliqué d’exercer en tant qu’expert immobilier.
A mon sens, le fait de bénéficier d’une expérience salariée constitue un atout supplémentaire car cela permet de prendre de la hauteur et de confronter les problématiques par rapport à son vécu. En tout état de cause, il est nécessaire que les personnes bénéficient d’une grande capacité à appréhender les problèmes complexes, à aller chercher l’information et surtout qu’elles disposent de bon sens, d’une envie de solutionner les problèmes et surtout d’apprendre constamment. Il n’y a rien de plus grave à mon sens que d’avoir une certitude !
UM : J’ai le sentiment que c’est un métier qui implique une multiplicité de compétences, notamment juridiques, financières, techniques, etc. ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : C’est un métier extrêmement vaste. Un jour on valorise un appartement, ce qui n’est pas très compliqué, le lendemain on valorise des droits réels sur un bail emphytéotique et là il faut faire un peu de mathématiques, le surlendemain on valorise une propriété commerciale et dans ce cas c’est le code de commerce et la jurisprudence qu’il faut être en capacité d’appréhender. C’est un métier qui, à ce niveau-là, est extrêmement vaste. On ne fait jamais deux fois la même chose. C’est toute la richesse du métier. C’est aussi toute la difficulté.
UM : Vous dirigez IFC Expertise. Pouvez-vous nous présenter votre société et nous indiquer ce qui la caractérise et surtout pouvez-vous nous dire ce que veut dire « IFC » ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : Alors je n’ai pas fait preuve d’une grande imagination… Ça veut dire « Immobilier, Foncier, Commerce » et pour vous mettre dans la confidence cela devrait changer en 2023. Mais dans l’immédiat ce nom n’est rien d’autre que le reflet de mon manque d’imagination à l’époque !
Pour répondre à votre question, je dirige un cabinet exclusivement spécialisé en évaluation immobilière, foncière et de la propriété commerciale. Sauf erreur, nous sommes en 2023 leader sur Lyon. Notre motivation première est de n’avoir jamais aucune certitude et d’être novateur dans nos approches, non pas pour le plaisir de casser les codes, mais peut-être plus pour savoir remettre en cause des méthodes qui sont éprouvées parfois à tort. A titre d’exemple, nous travaillons depuis plusieurs années aux côtés des Hospices Civiles de Lyon qui nous accordent leur confiance sur des problématiques très complexes. Nous nous sommes rendu compte que des approches qui sont développées dans des ouvrages qui ont une cinquantaine d’années se trouvent aujourd’hui totalement déconnectées de la réalité. Lorsqu’on est face à une telle problématique on hésite à se dire : qu’est-ce qu’on pourrait imaginer de plus contemporain ? C’est la raison pour laquelle je pense que ce qui nous caractérise est d’être constamment en quête d’amélioration des méthodes (si tant est qu’elles puissent être améliorées) pour faire face à nos problématiques contemporaines.
Aujourd’hui, le cabinet comprend 5 collaborateurs. Le siège de nos activités est situé à Lyon2. Toutefois, nous disposons également d'un bureau à Annecy.
UM : Quelles ont été les difficultés auxquelles vous avez été confrontées lorsque vous avez créé IFC Expertise et comment les avez-vous surmontées ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : Je n’ai pas vraiment été confronté à des difficultés particulières si ce n’est celles inhérentes au développement de toute société… C’est un métier où on se constitue progressivement sa clientèle car c’est à force de rapport, de bouche à oreilles, que l’on parvient à la développer. La principale difficulté est en réalité de trouver comment se faire connaître lorsque l’on s’installe en tant qu’indépendant dans un secteur pour lequel il y a déjà beaucoup de professionnels très compétents déjà installés. Dans ce cas, il faut trouver comment être différenciant. C’est d’ailleurs le cas pour tous les métiers de conseils. A ce titre, le savoir-faire est tout aussi important que le faire savoir !
A ce sujet, si certains de nos lecteurs sont spécialisés en marketing ou SEO, n’hésitez pas à nous contacter, nous sommes preneurs de tous vos conseils et de votre aide pour nous permettre de rendre (Un)Mute toujours plus visible.
UM : En tant qu’entrepreneur, quels conseils donneriez-vous à ceux parmi nos lecteurs qui réfléchissent à créer leur propre structure ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : Une motivation sans faille ! Au-delà de la motivation, il faut avoir une vision et surtout avoir la conviction que l’on peut éventuellement faire « mieux » que les autres. Il faut donc avoir une vision un peu différenciante de l’activité dans laquelle on se lance.
UM : Il est vrai qu’on dit souvent qu’il n’est pas indispensable lorsque l’on veut créer quelque chose d’avoir une idée originale que personne n’a eu. Il suffit de bien le faire, voire de mieux le faire. Rien que cela peut être fortement différenciant car cela finit par se savoir.
Philippe FAVRE-REGUILLON : Oui tout à fait ! C’est d’ailleurs la même chose en ce qui concerne certains notaires qui se sont installés récemment, que certains qualifient de “Bébé Macron” et qui parviennent à grignoter des parts de marché sur des études situées à proximité immédiate et qui sont très installées. D’un côté vous avez des gens qui ont tout à créer, qui on faim, et d’un autre côté des gens qui n’ont plus faim, qui sont…rassasiés.
UM : Outre les nombreuses formations que vous animez, vous avez créé en 2010 le Centre de Formation à l’Expertise Immobilière (CFEI). Plus récemment, l’ensemble de vos formations ont été digitalisées… Vous avez également rédigé “Traité d’évaluation des fonds de commerce, droit au bail et indemnités d’éviction“. J’ai également lu que vous aviez révolutionné l’évaluation de fonds de commerce en créant un site dédié à cela… Rien ne vous arrête ! Quelle est la prochaine étape ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : Le Centre de Formation à l’Expertise Immobilière (CFEI) est une volonté de partager mon expertise, ainsi que l’expérience que j’ai acquise au fil des années. On a une grosse clientèle d’agents immobiliers qui vient pour acquérir les méthodes d’évaluation, soit dans le cadre de leur obligation de formation, soit, de plus en plus, pour être différenciant sur la prise de mandat afin de crédibiliser leur avis de valeur.
De plus, à l’origine, la création du CFEI a été un défi personnel. J’avais le souhait d’être confronté à des professionnels qui tous les jours ont “les mains dans le cambouis”. Les métiers d’expert et d’agent immobilier présentent certaines similitudes. Très souvent, l’agent immobilier établi des “avis de valeur”, dans le cadre de ses fonctions, afin de prendre des mandats. Or, il n’est pas rare qu’il connaisse mieux le terrain qu’un expert du fait de son expérience, de son implantation locale, etc. J’ai donc besoin d’être confronté à ce retour du terrain.
Depuis, le CFEI s’est organisé. A ce jour, nous avons formé plusieurs milliers de stagiaires. De très bons confrères, qui sont experts judiciaires pour certains, nous accompagnent et interviennent dans le cadre de certains modules relatifs à la valorisation de biens immobiliers. Bien évidemment, à titre personnel, je continue à intervenir. Je dispense à ce titre toutes les formations sur la propriété commerciale (valeur locative, fonds de commerce, droit au bail et indemnité d’éviction). Sur ces aspects, mes stagiaires sont souvent des professionnels qui sont spécialisés dans la transaction de fonds de commerce, ce qui m’apporte énormément. Je baigne beaucoup dans la théorie et j’ai en face de moi des gens qui sont dans la pratique. La confrontation de ces deux mondes est extrêmement enrichissante.
Pour revenir sur la deuxième partie de la question, le cabinet s’est spécialisé en propriété commerciale. De ce fait, on s’est notamment spécialisé en matière d’indemnité d’éviction que doit un bailleur lorsqu’il met un terme au bail commercial au titre du préjudice subi par son locataire3. C’est par défaut la valeur du fonds de commerce, voire la seule valeur du droit au bail. Il n’y avait sur ces aspects qu’un seul ouvrage sur la question, le "Francis Lefebvre". Or, cet ouvrage est le résultat d’un recopiage d’un ouvrage de 1961 qui avait été rédigé par deux experts. On retrouve aujourd’hui ces barèmes dans plusieurs ouvrages. On se contentait jusqu’à présent pour valoriser par exemple un hôtel de se référer au Francis Lefebvre dans lequel il est indiqué qu’un hôtel se valorise entre 150 et 350 % du chiffre d’affaires… Une fois qu’on a dit ça…on n'a rien dit. 150% d’un million ou 350 % d’un million c’est pas tout à fait le même résultat pour un propriétaire qui souhaite évincer son locataire. Surtout que si on prend le temps de regarder le Francis Lefevre en détails, il est précisé que ces barèmes résultent de mutations réalisées exclusivement en région parisienne… on a donc développé depuis 5 ans avec un ami programmeur un algorithme. Nous avons acquis 5 millions de bilans de société. Nous sommes également allés récupérer toutes les mutations parues au BODACC4. L’algorithme croise les deux sources et établi des barèmes au réel. Le site a été lancé fin 2021. Nous avons donc des barèmes à jour pour 130 codes NAF et pour près de 700 activités et ce pour toute la France.
Enfin, je suis également l’auteur du Traité d’évaluation des fonds de commerce, droit au bail et indemnités d’éviction. J’ai été sollicité par un éditeur il y a quelques années afin de travailler sur le sujet et je lui avais répondu que j’acceptais volontiers à condition de ne pas recopier ce qui est recopié depuis 60 ans. Dans cet ouvrage, il y a 50% de théorie et 50 autres % qui traitent des barèmes. D’ailleurs, on retrouve ces barèmes aussi bien dans le traité d’évaluation des fonds de commerce, que sur le site qui est en accès gratuit et dans lequel les barèmes sont régulièrement mis à jour. Il y a une partie avec géolocalisation avec des études spécifiques qui est payante afin de financer le site. Le site sera mis à jour fin 2023 avec les barèmes actualisés, sans toutefois prendre en compte 2020 et 2021 en raison du COVID (car leur prise en compte aurait pour effet de fausser les valeurs). L’ouvrage fera quant à lui l’objet d’une 2ème édition en 2024.
UM : En tant qu’expert immobilier, quels types d’accompagnements pouvez-vous proposer à un promoteur, un marchand de biens, voire à une personne qui réalise des opérations d’investissement locatif ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : En pratique je suis sollicité sur trois aspects principalement :
L’établissement d’études de marché : Comme vous le savez lorsqu’on établit un bilan de promotion ou de marchand de biens, on a besoin de consolider les recettes. Quand ce sont de petites opérations le promoteur ou le MDB connait parfaitement le marché local et n’a donc besoin de personne pour faire ça, si ce n’est éventuellement pour crédibiliser son bilan vis-à-vis d’établissements bancaires. En revanche, lorsqu’il s’agit de grosses structures, celles-ci ont besoin de l’avis d’un tiers, autre que celui de la personne qui a monté l’opération.
On peut également nous solliciter sur l’approche pré-bilanciel de l’opération, le budget prévisionnel. C’est un peu plus rare mais on a de très gros clients qui viennent nous solliciter pour avoir un regard extérieur, bien souvent à la demande de leur comité de direction. C’est un peu délicat comme exercice car nous intervenons à l’aveugle sans forcément disposer de toutes les informations dont dispose le client (financement, ratios, …).
Enfin, le troisième volet qui est très très méconnu des promoteurs, c’est la valorisation de la propriété commerciale. C’est l’hypothèse d’un promoteur qui achète un immeuble avec un au rez-de-chaussée une boucherie par exemple, dont le locataire est en place depuis 40 ans et qui se lance dans l’éviction de ce locataire totalement à l’aveugle. Je le sais car j’ai été promoteur et je me souviens d’avoir mis des chiffres dans un bilan sans avoir aucune connaissance des règles applicables et ne sachant même pas qui aller chercher pour avoir un avis. Je me souviens d’avoir rentré des prix totalement à la louche. Or, si j’avais préconsulté en amont un professionnel, pour une somme modique en réalité au regard de l’enjeu, j’aurais non seulement gagné un temps fou, mais j’aurais pu avoir un peu plus de certitudes quant au contenu de mon bilan d’opération. En effet, tant que le promoteur n’a pas versé le juste montant de l’indemnité d’éviction, le locataire est en droit de rester en place. J’aurais donc gagné en temps, en stress et en argent. Je pense que c’est un volet qui est vraiment méconnu des promoteurs.
En parallèle il y a aussi la mode des troubles anormaux de voisinage5 pour lesquels les promoteurs viennent nous saisir soit en amont, soit en aval lorsque le contentieux est déjà né, lorsqu'ils souhaitent ériger un R+5 en lieu et place d'une dent creuse et anticipent une réaction défavorable des voisins. Il est fréquent dans ce cas de figure que ces derniers formulent une demande indemnitaire.
UM : Quelle est votre vision du marché de l’immobilier actuel et selon vous de quelle manière celui-ci va-t-il évoluer dans les prochaines années ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : Je n’en ai pas… L’expert est un observateur. Nous ne sommes vraiment pas là pour jouer les devins. Tout ce que j’observe depuis que je suis né est qu’il y a une courbe croissante, continuelle, avec quelques petites périodes de rupture, de ralentissement de la hausse des valeurs. Quoi qu’il en soit cette hausse ne pouvait pas durer. Nous sommes en pleine période de correction. Toutefois, une fois celle-ci passée, cela recommencera nécessairement. L’expert immobilier doit avoir un avis sur un instant T. Ce qui se passera demain n’est pas de son ressort. Récemment encore, j’ai eu une demande de devis pour me prononcer sur les 10 ou 20 ans à venir. J’ai répondu au client que je ne savais pas faire et que je ne le ferai pas. Il a été très surpris par ma réponse mais c’est la réalité.
UM : Est-ce que vous avez des ressources que vous aimeriez partager avec nos lecteurs (livres, vidéo, podcast, …) ?
Philippe FAVRE-REGUILLON : Je ne peux que vous recommander le “Traité d’évaluation des fonds de commerce, droit au bail et indemnités d’éviction“😉. Au-delà de la publicité que je peux faire, si un promoteur ou un marchand de biens est confronté à des problématiques de résiliation de baux commerciaux et d’éviction, je pense que cela peut être intéressant pour eux d’avoir connaissance, afin d’affiner leur bilan, des derniers ratios de fonds de commerce applicables. Et puis pour les personnes qui souhaitent mieux appréhender les problématiques d’évaluation, nous avons, par le biais du CFEI, créé une chaîne Youtube pour laquelle beaucoup de choses sont totalement gratuites. Ces vidéos sont accessibles depuis le site du CFEI6.
Les actualités marquantes et intéressantes des dernières semaines 👀
Une sélection flash 🐱🏍des news et tendances des jours derniers qui nous ont semblées les plus intéressantes.
⏱Temps de lecture estimé : 5 minutes et 42 secondes
#1. Les décisions “AirBnB” sur le régime d’autorisation
Plusieurs décisions (TA Pau, ord., 3 juin 2022, n°2200930 ; TA Pau, 21 octobre 2022, n° 2202015 ; TA Pau, 16 sept. 2022, n° 2201595 ; TA Poitiers, 2e ch., 7 oct. 2022, n° 2002189 ; TA Nice, 2e ch., 20 oct. 2022, n° 1900561 ; TA Melun, ordonnance n° 2208697 du 31 octobre 2022) ont récemment été rendues concernant le régime d’autorisation de changement d’usage de locaux d’habitation, en locaux à usage de locations meublées de courtes durées.
Pourquoi c’est intéressant ?
Pour rappel : il existe un régime qui interdit au propriétaire d’un logement qu’il souhaiterait le proposer en location meublée de tourisme (type “AirBnB”), de faire n’importe quoi. Ce régime d’autorisation est fixé par les articles L. 631-7 et suivants du CCH :
Il prévoit que dans certaines communes (> 200 000 hab ou les communes des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne), les propriétaires de locaux destinés à l’habitation doivent, avant de changer l’usage de ceux-ci, obtenir l’autorisation du maire. Or, il résulte de cet article que « le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile » constitue un changement d’usage. Cette obligation ne concerne en revanche pas les locaux qui concernent la résidence principale du loueur.
Ce dispositif d’autorisation préalable peut aussi être étendu à d’autres communes de moindre importance, sur délibération du conseil municipal.
Il peut également être décidé d’instaurer une obligation de compensation prenant notamment la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.
Pour mémoire : par une décision de 2020, il a été jugé que ce mécanisme était conforme au droit européen s’il est imposé par une raison impérieuse d’intérêt général et proportionné aux objectifs poursuivis.
Pour ceux qui veulent aller plus loin sur le sujet, le Ministère du logement a établi un guide très bien fait (ici). Celui-ci liste notamment les outils permettant d’encadrer ce type de locations :
1- La règlementation du changement d’usage (CCH. Art. L. 631-7 et s.) ;
2- La limitation à 120 jours par an la location saisonnière des résidences principales (C. Tourisme. Art. L. 324-1-1) ;
3- La déclaration préalable en mairie des meublés de tourisme. Cette déclaration préalable obligatoire ne concerne pas les résidences principales (C. Tourisme. Art. L. 324-1-1).
L’apport des JP : elles ont validé la conformité d’un tel régime d’autorisation au CCH et au droit européen. Elles ont cependant parfois sanctionné la délibération qui venait d’être prise, soit au motif de la sécurité juridique, parce que le délai de mise en œuvre était trop court et ne permettait pas aux propriétaires de s’adapter, soit au motif de l’absence de raison impérieuse d’intérêt général car les communes s’appuyaient sur des données peu pertinentes de la période COVID ou ne démontraient pas le lien entre l’augmentation de ces locations et l’évolution des autres prix.
#2. Les dark stores et les datacenters sont des entrepôts au sens du Code de l’urbanisme
Le décret et l’arrêté du 22 mars 2023 sont venus préciser la qualification juridique des dark stores, dark kitchens et datacenters et adapter les destinations et sous-destinations prévues par le code de l’urbanisme. A noter :
la création d’une nouvelle sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » dans la destination modifiée « autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire » ;
la modification de la définition de la sous-destination « entrepôt » dans la destination modifiée « autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire », laquelle recouvre désormais explicitement les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d’achats au détail commandés par voie télématique (dark stores, y compris lorsqu’existent des points de retrait ouverts aux clients), et les locaux hébergeant les centres de données (datacenters).
Pourquoi c’est intéressant ?
En ce qui concerne les dark stores, les entreprises devront dorénavant demander un changement de destination pour continuer à exploiter leurs activités installés dans d’anciens commerces. Si le PLU interdit ce type d’activité à cette adresse et donc que le changement de destination est refusé, ils devront quitter les lieux.
Ces textes s’inscrivent dans la continuité d’un arrêt qui avait été rendu le même jour par le Conseil d’état, dans lequel ce dernier avait donné raison à la ville de Paris dans le contentieux qui l’oppose aux enseignes Frichti et Gorillas. La haute juridiction avait en effet considéré que les dark stores sont des "entrepôts" au sens du code de l’urbanisme et du PLU de Paris. À cet égard, Frichti et Gorillas "auraient dû déposer une déclaration auprès de la mairie de Paris pour utiliser comme “dark stores” des locaux qui étaient à l’origine des commerces traditionnels et la ville de Paris pouvait s’opposer à cette transformation", souligne le Conseil d’État, dans un communiqué (ici). Il estime ainsi que la mairie "avait le droit de demander que les deux sociétés restituent ces locaux à leur activité d’origine, les entrepôts étant interdits en rez-de-chaussée sur rue à Paris".
#3. Les TMA ont le même taux de TVA que les travaux principaux
Pour les férus de TVA, une réponse ministérielle récente vient confirmer que les TMA (Travaux Modificatifs Acquéreur) sont des travaux accessoires non indépendants des travaux de construction réalisés dans le cadre de la VEFA. Ils bénéficient à ce titre du taux applicable à l'opération principale dont ils constituent l'accessoire.
#4. Un guide pour vous aider à lire la nomenclature de l’évaluation environnementale des projets
Le Ministère de la transition écologique a mis à jour son Guide de lecture de la nomenclature des études d’impact (art. R. 122-2 du code de l’environnement).
Un document très clair et à avoir sous la main pour mener ses projets de manière sécurisée.
#5. Pas d’eau, pas de permis
Non, nous n’avons pas encore perdu la boule chez (Un)Mute 🤣.
Face à l’urgence climatique🌞, certaines communes du Var viennent d’interdire ✋ toute nouvelle demande de permis de construire. Cette décision viserait à interpeller l’opinion publique et à permettre d’ouvrir un débat national sur le sujet.
Une proposition de loi a même été déposée par le député Christophe Naegelen et propose de "doter les maires des communes ne disposant pas d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale, du pouvoir d’autoriser ou d’interdire les nouvelles constructions lorsque celles‑ci présentent un risque pour l’équilibre des ressources en eau de la commune et son environnement."
#6. Comment vous pouvez déroger ou optimiser les règles du PLU si votre projet est exemplaire du point de vue énergétique ou environnemental
Un décret et un arrêté du 8 mars 2023 sont venus apporter des précisions quant à la possibilité, pour les constructions faisant preuve d’exemplarité énergétique ou environnementale, de déroger aux règles de hauteur des constructions définies dans le PLU.
On garde le suspens pour le moment car Antoine nous a déjà chauffé sur le sujet et nous vous dévoilerons tout ce qu’il faut savoir dans sa prochaine aventure (le lundi 1er mai 2023).
C’est tout pour aujourd’hui.
On espère que ça vous a plu.
On se retrouve dans 15 jours pour une nouvelle aventure d’Antoine.
Les locaux “monovalents” sont des locaux construits en vue d’une seule utilisation selon l’article R.145-10 du Code de commerce. Le local qui est considéré comme monovalent procède d’une définition précise qui exclut de facto l’application de la règle du plafonnement du loyer en cas de renouvellement du bail. Cet état de fait à donc une incidence considérable aussi bien sur la valorisation locative du bien, qu’en découlant, sur sa valeur vénale. Pour aller plus loin c’est ici
https://www.ifc-expertise.fr/
L’indemnité d’éviction couvre l’intégralité du préjudice causé au locataire par le défaut de renouvellement du bail commercial (art. L. 145-14, Code com.). Elle comprend une part principale qui est, par défaut, celle de la valeur du fonds de commerce en cas de perte de l’exploitation ou celle de la valeur pécuniaire du droit au bail si le transfert est possible. Au principal s’ajoutent des indemnités accessoires dont la liste n’est pas limitative. Les grands principes de l’indemnisation du locataire évincé sont les suivants. Pour aller plus loin c’est ici.
L’implantation de toute nouvelle construction impacte nécessairement son environnement et son voisinage. Une nouvelle édification peut être la source de préjudices immatériels pouvant impacter les constructions déjà existantes. Il s’agit donc, dans ce cas de figure, de pouvoir déterminer une indemnité traduisant la perte de valeur vénale du bien immobilier impacté et venant réparer le préjudice subi caractérisé par un(des) trouble(s) de voisinage. Dans ce cas d’espèce, la problématique est donc bien de traduire économiquement l’impact de ce préjudice immatériel sur la valorisation d’un bien immobilier. Pour aller plus loin sur le sujet, c’est ici
https://www.youtube.com/channel/UCic4Dl7ki_BLZ6lCJtY1MCg