#32. L'aparté n° 12 - La dissolution de l’Assemblée Nationale : un coup de frein pour le logement ?
Hello à tous,
Nous sommes très heureux de vous retrouver pour le trente-deuxième (#32) numéro de votre newsletter dédiée au montage d’opérations immobilières.
Dans ce numéro de “mi-mois”, nous mettons notre bouée canard et nous nous jetons à l’eau.
Au programme de ce numéro, nous allons prendre le prétexte de la dissolution de l’assemblée nationale pour évoquer un sujet qui “sent la poudre”, la nécessité ou non pour le marché de l’immobilier d’une intervention de l’Etat au travers d’un grand plan de secours.
3, 2, 1 : On est parti 🚀
La récente décision du président de la république, Emmanuel Macron, de dissoudre l'Assemblée Nationale a suscité, la semaine dernière, un débat intense autour de l'abandon inévitable de plusieurs projets de loi cruciaux, notamment celui sur le logement abordable.
En effet, le Sénat a décidé, le 10 juin 2024, de suspendre ses travaux en séance publique et il assez peu probable que, suite à l’installation de la nouvelle assemblée, ses travaux reprennent sur des textes qui n’auraient pas été remaniés.
Alors que le marché du logement en France est déjà en proie à des bouleversements majeurs, cette interruption inattendue soulève des questions profondes sur le rôle de l'État et la capacité de l'autorégulation du marché à résoudre ces problèmes épineux.
Un secteur en crise
Le marché immobilier français traverse une période de turbulences multifactorielle, marquée par la flambée des coûts de construction, la baisse du pouvoir d'achat des Français, notamment suite à la hausse des taux d’intérêt, au durcissement des conditions d'accès au crédit immobilier ou encore à de nouvelles normes énergétiques.
Les récentes statistiques publiées montrent une augmentation significative des prix de l'immobilier, sur les dernières années en particulier dans les grandes métropoles comme Paris et Lyon, aggravée par la réduction du nombre de biens disponibles à la location.
L'abandon du projet de loi sur le logement abordable en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale pourrait donc aggraver la situation, à tout le moins (oui, chez (Un)Mute on utilise ce genre de locution adverbiale ;-)) retarder son amélioration.
Le projet de loi sur le logement abordable
A la lecture du dossier de presse, on note que les ambitions du projet de loi “pour développer l’offre de logements abordables” sont importantes puisqu’il est décrit comme devant créer “un choc d’offre” en permettant de produire plus de logements et faire le choix de la confiance.
Cette ambition se décline autour de 14 mesures réparties en autant d’articles :
Article 1 : inclure dans les objectifs de production de la loi SRU, la construction de logements intermédiaires pour favoriser la mixité,
Article 2 : permettre aux maires de décider de l'attribution des logements sociaux neufs,
Article 3 : créer un nouvel outil de préemption pour réguler les prix des terrains,
Article 4 : réduire de 4 mois les délais de recours pour construire des logements plus rapidement,
Article 5 : offrir aux élus la maîtrise de la densification pavillonnaire douce pour encourager la construction,
Article 6 : simplifier les démarches d'aménagement global du territoire,
Article 7 : augmenter la production de logements intermédiaires,
Article 8 : améliorer le pilotage des loyers des logements sociaux,
Article 9 : encourager les bailleurs à trouver des solutions financières avantageuses pour la construction de logement,
Article 10 : accélérer l'accès au logement des travailleurs,
Article 11 : renforcer la mobilité résidentielle,
Article 12 : renforcer les compléments de loyers pour les locataires dont la situation s'améliore,
Article 13 : étendre le bail mobilité au parc social pour les personnes en besoin de logement pour une courte durée,
Article 14 : faciliter la vente des logements sociaux.
Même si la plupart des mesures ont été retenues par la commission des affaires économiques dans le projet de loi qu’elle a adopté après l’avoir modifié et renforcé, le 5 juin 2024, nous notons que cette commission regrette, dans son rapport, “la faible portée d’un texte sans vision stratégique et très en deçà des besoins et attentes face à la gravité de la crise du logement”.
Nous vous laissons prendre connaissance de ce texte (si vous avez un peu de temps) ou de l’essentiel (qui est assez virulent).
On peut donc légitimement s’interroger sur la capacité de cette loi à constituer une réelle réponse à la crise actuelle du marché de l’immobilier.
Intervention de l’État : Nécessité ou Entrave ?
La dissolution entraîne une pause forcée dans les interventions étatiques, amenant à s'interroger sur la pertinence et l'efficacité de telles interventions.
D’un coté, les défenseurs de l'intervention de l'État soutiennent que sans un cadre législatif solide (nous serions tenté de rajouter “stable”), le marché est incapable de répondre à la demande croissante. Des mesures régulatrices sont jugées essentielles pour encourager la construction de logements sociaux, offrir des subventions à l'achat ou à la location et mettre en place des politiques urbaines durables.
L’intervention de l’État serait cruciale pour corriger les déséquilibres du marché et garantir un accès équitable au logement. Par exemple, des programmes tels que la loi Pinel et la réduction des taux d’intérêt pour les prêts immobiliers auraient démontré leur efficacité à stimuler le marché immobilier, mais nécessiteraient une continuité législative pour être pleinement efficaces.
C’est ainsi que l’on a vu, cette semaine, le président de la Fédération Française du Bâtiment formuler une dizaine de propositions et dire attendre du futur hémicycle de l'Assemblée nationale “la volonté politique suffisante pour relancer l'activité et leur garantir une visibilité suffisante”.
De son coté, Pascal BOULANGER, le président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers, dans un post LinkedIn, adressé vendredi 14 juin aux futurs députés, considérait qu’il leur appartenait “de mettre en œuvre les solutions immédiates et puissantes que les différents gouvernements n’ont pas été capables de prendre jusqu’à présent”.
Par ailleurs, dans une interview très intéressante donnée au Moniteur des Travaux Publics, le président de la FPI, formule un certain nombre de propositions pour traiter la crise, qu’il estime être une crise de la demande, parmi lesquelles :
La création d’un prêt hybride dissociant le remboursement de la part du crédit foncier et celle, in fine du crédit immobilier,
La portabilité du prêt,
Pondérer le taux maximum d’endettement en fonction du reste à vivre et non du revenu,
Une exonération temporaire sur les droits de donation et succession, s’ils ont vocation à financier l’achat d’un logement neuf.
L'autorégulation du Marché : Une solution faisable ?
De l’autre coté, certains économistes et experts de marché argumentent en faveur de l'autorégulation.
Par exemple, lors de son interview dans notre newsletter, Xavier LEPINE considérait que bien souvent les interventions étatiques avaient été soit contracycliques soit s’étaient traduites par la suite par des effets négatifs.
Les partisans de cette thèse, estiment que le marché immobilier, libéré des entraves bureaucratiques, pourrait s'ajuster naturellement sans intervention gouvernementale excessive.
La flexibilité du marché permettrait une adaptation plus rapide à la demande réelle, et les innovations privées, comme le modèle imaginé par NEOPROPRIO ou d’autres, pourraient offrir des solutions innovantes et économiques.
Cependant, cette vision est souvent critiquée pour son optimisme excessif. L'absence de régulation pourrait mener à une spéculation accrue et à une inégalité flagrante dans l'accès au logement, laissant les plus vulnérables sans protection.
Alors quel avenir pour le logement ?
Le sujet est complexe. La situation actuelle appelle à une réflexion profonde et équilibrée.
Certes, la “mise en pause” du processus législatif pourrait bien signifier un recul dans les efforts pour résoudre la crise du logement.
Cela étant, on se rend compte que les lois sont la résultante de consensus qui sont parfois éloignés de l’ampleur de la difficulté des acteurs sur le terrain, raison pour laquelle il semble qu’une partie de la solution soit également entre les mains des acteurs du marché qui doivent redoubler de propositions et d’innovation.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Les actualités marquantes et intéressantes des dernières semaines 👀
Une sélection flash 🐱🏍 🏍des news et tendances des jours derniers qui nous ont semblées les plus intéressantes.
Du coté des tendances …
#1 - Ombrage et gestion des eaux pluviales sur les parkings : parution d'un guide technique
Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires vient d'éditer un guide ayant pour objet de récapituler les différentes obligations de solarisation et de végétalisation des parcs de stationnement extérieurs, et proposer de nombreux exemples permettant une mise en oeuvre pratique de la réglementation.
Ce document cible pour le moment uniquement les obligations de solarisation et de végétalisation, entrées en vigueur le 1er janvier 2024, qui sont issues de l'article 101 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 (codifiées aux articles L. 171-4 du CCH et L. 111-19-1 du code de l'urbanisme). Elles concernent les parkings de plus de 500 m², neufs ou faisant l'objet d'une rénovation lourde.
Il sera donc mis à jour lors de la publication des textes d'application de l'article 40 de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (loi APER), lequel prévoit une mise aux normes des parkings extérieurs existants de plus de 1 500 m², en imposant l'intégration d'ombrières photovoltaïques sur au moins la moitié de leur superficie.
Vous pouvez consulter ce guide ici
Du coté JP, des disposition législatives et réglementaires …
#2 - Promesses de vente successives et droit de préemption urbain
En cas de changement d'acquéreur, une nouvelle DIA n'est requise que si les conditions de la vente sont modifiées.
Dans cette affaire, les propriétaires d'un bien soumis au droit de préemption avaient consenti une promesse de vente au profit d’acquéreurs potentiels le 30 mars 2023. Dans la perspective de cette vente, ils avaient donc procédé au dépôt d’une déclaration d'intention d'aliéner (DIA) que la commune avait reçue le 3 avril de la même année. Les acquéreurs potentiels ayant finalement renoncé à la vente, les propriétaires avaient conclu avec une société, le 31 juillet de la même année, une nouvelle promesse de vente portant sur le même bien, au même prix et aux mêmes conditions. Le 29 août 2023, intervient une décision de préemption que la société conteste. Saisi d'un référé suspension, le tribunal administratif de Versailles déclare cette requête irrecevable pour défaut d'intérêt à agir. L'ordonnance est censurée par le Conseil d'État.
La mention de la personne ayant l'intention d'acquérir le bien n'est pas au nombre de celles devant obligatoirement figurer dans la DIA (C. urb., art. L. 213-2, al. 1er). Elle n'y figure qu'à titre facultatif (Rép. min. n° 19955, 7 déc. 1998, p. 6732 ; CE, 6 janv. 1995, n° 123371). En conséquence, le Conseil d'État estime que les propriétaires n'avaient pas à renouveler la DIA faite à l'occasion de la promesse initiale, dès lors que la seconde, signée avant la décision de préemption et portant sur l'aliénation du même bien au même prix et aux mêmes conditions, en laissait inchangées les mentions obligatoires.
#3 - La Cour de cassation vient clarifier le champs de l’assurance décennale obligatoire en cas d’adjonction d’un ouvrage à un existant
Dans un arrêt du 30 mai 2024, la Haute Juridiction (Cass. 3ème civ., 30 mai 2024, n° 22-20711) est venue préciser qu’il résultait de l'article L. 243-1-1, II, du code des assurances que “l'assurance obligatoire ne garantit les dommages à l'ouvrage existant provoqués par la construction d'un ouvrage neuf que dans le cas d'une indivisibilité technique des deux ouvrages et si celle-ci procède de l'incorporation totale de l'existant dans le neuf. Les deux conditions sont, ainsi, cumulatives et les dommages subis par l'ouvrage existant ne sont pas garantis lorsque c'est l'ouvrage neuf qui vient s'y incorporer”
#4 - Carte d’identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics
Le décret n°2024-112 du 15 février 2024, relatif à la carte d’identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics a été publié au JORF.
Ce texte modifie les règles relatives à la carte d'identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics prévues par le code du travail afin d'augmenter la durée de validité de cette carte pour les salariés détachés sur le territoire national pour effectuer des travaux de bâtiment ou des travaux publics par un employeur établi à l'étranger. La durée de validité de la carte d'identification professionnelle est portée à cinq ans ; celle-ci est toutefois désactivée entre deux périodes de détachement. Le décret prévoit également une désactivation de la carte d'identification professionnelle pour les salariés intérimaires employés par des entreprises de travail temporaire établies sur le territoire national entre deux missions.
#5 - Quelle est la valeur d’une signature scannée apposée sur un acte ?
Dans un arrêt du 13 mars 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass., Com., 13 mars 2024, 22-16.487, Inédit.) est venue rappeler que bien que le recours à la signature scannée ne soit pas prohibé, celle-ci ne présente pas la même fiabilité qu’une signature électronique…
En l’espèce une société tentait d’obtenir en justice l’exécution d’une promesse unilatérale de vente. La cour d’appel a rejeté ses demandes, estimant que la promesse unilatérale de vente ne pouvait pas être exécutée, car la promesse avait été conclu avec des signatures scannées. Pour les juges d’appel, ce mode de signature ne permettait pas d’identifier avec certitude les auteurs de la signature. De plus, la preuve n’était pas rapportée que les « signataires » avaient personnellement consenti à l’apposition de leur signature scannée sur l’acte : par conséquent, la preuve de leur consentement faisait défaut.
Après avoir rappelé que “l'article 1367, alinéa 1, du code civil, dispose que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur et qu'elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte”, elle indique que c’est à bon droit que les juges du fond ont retenu que “le procédé consistant à scanner des signatures, s'il est valable, ne peut être assimilé à celui utilisé pour la signature électronique qui bénéficie d'une présomption de fiabilité par application de l'article 1367, alinéa 2, du code civil.”
#6. La réforme de la fiscalité Airbnb
Le Sénat a adopté, le 21 mai 2024, la proposition de loi pour renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme.
Ce texte prévoit les règles suivantes :
Les locations de meublés de tourisme 𝗰𝗹𝗮𝘀𝘀𝗲́𝘀 bénéficieraient d’un abattement de 𝟱𝟬% dans la limite de 𝟳𝟳.𝟳𝟬𝟬 𝗲𝘂𝗿𝗼𝘀 de recettes annuelles.
Les locations de meublés de tourisme 𝗻𝗼𝗻-𝗰𝗹𝗮𝘀𝘀𝗲́𝘀 bénéficieraient d’un abattement de 𝟯𝟬% dans la limite de 𝟮𝟯.𝟬𝟬𝟬 𝗲𝘂𝗿𝗼𝘀 de recettes annuelles. Le texte adopté par le Sénat ajoute ce qui suit : "Le présent article s’applique aux revenus perçus à compter du 𝟭𝗲𝗿 𝗷𝗮𝗻𝘃𝗶𝗲𝗿 𝟮𝟬𝟮𝟱."
A noter que l’article 4 de la proposition de loi, qui avait été adoptée par l’Assemblée Nationale, et prévoyait que la plus-value de cession devrait être majorée des amortissements pratiqués depuis la date du début de l’activité de location de meublés de tourisme, a et supprimé. cet article.
#7. Attention à la rédaction des délibérations autorisant un conseil municipal à vendre un immeuble
Qui ne s’est pas arraché les cheveux en prenant connaissance que la délibération d’un conseil municipal qu’il attendait sur l’un ses dossiers ne correspondait pas exactement à ce qu’il envisageait ?
Paul-Maxence Murgue-Varoclier attire notre attention, dans un post LinkedIn, sur la rédaction de ces délibérations.
Il n’est pas rare que des promesses de vente conclues entre une collectivité locale et son acquéreur comportent des conditions qui ne figuraient ni dans l’offre d’acquérir, ni dans l’acceptation de vendre (obtention des autorisations d’urbanisme, d’un financement bancaire, réalisation de diagnostics ou d’études de sols, caractère définitif de l’acte administratif décidant la vente…).
La jurisprudence administrative la plus récente fait douter de la validité de ces actes lorsque toutes les modalités juridiques de la vente envisagée ne figurent pas dans la délibération (CE, 12 mai 2023, n° 465482 ; CAA Marseille, 9 févr. 2024, n° 23MA01182, sur renvoi du Conseil d'Etat).
Au sein des communes, le conseil municipal dispose seul du pouvoir d’approuver les modalités juridiques de l’acte de vente. Le maire (ou son représentant) signataire de la promesse ne dispose, quant à lui, que d’une compétence d’exécution des décisions prises par l’organe délibérant. La modification, l’ajout ou le retrait de clauses arrêtées lors de la décision de vendre l’immeuble a pour effet d’entacher l’acte d’incompétence et constitue pour le juge judiciaire (comp. avec Cass. 1re civ., 16 janv. 2013, n° 11-27.837) une cause de nullité absolue.
Voilà, c´est tout pour cette semaine.
Nous espérons que ça vous a plu.